Le projet de fusion entre Rogers et Shaw – qui aura d’importantes répercussions à l’extérieur du Québec – est toujours en vie puisque Québecor se plie aux exigences du gouvernement Trudeau à propos d’un accord parallèle conclu en juin dernier entre le conglomérat québécois et deux géants canadiens des télécommunications.

Quelques heures après une sortie du ministre fédéral de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, François-Philippe Champagne, la société mère de Vidéotron a répondu favorablement aux demandes. Elle s’engage ainsi à détenir le réseau de téléphonie de Shaw (Freedom Mobile) pour au moins une décennie ainsi qu’à faire baisser le prix des services de téléphonie mobile à l’extérieur du Québec.

« Nous entendons accepter les conditions énoncées […] et les intégrer dans la nouvelle mouture déjà négociée dans la transaction Rogers-Shaw/Québecor-Freedom Mobile, a indiqué le président et chef de la direction de Québecor, Pierre Karl Péladeau, dans un communiqué. Ces dernières s’inscrivent dans la même philosophie commerciale couronnée de succès au Québec. »

La présence de Rogers et de Shaw au Québec est limitée. Dans le reste du pays, le projet de fusion suscite des préoccupations puisqu’elle prévoit la consolidation de deux acteurs d’envergure de l’industrie des télécommunications.

Dans l’espoir d’apaiser les craintes du gouvernement Trudeau en matière de concurrence, Rogers et Shaw avaient convenu de vendre Freedom Mobile à Québecor pour environ 2,9 milliards. Cette transaction permettait à l’entreprise québécoise d’effectuer une percée dans le secteur du sans-fil pour devenir le quatrième acteur en importance au pays.

Avec des conditions

M. Champagne est venu ajouter son grain de sel, mardi, en fin d’après-midi.

À Ottawa, le ministre a prévenu qu’il ne laisserait pas Québecor acquérir Freedom Mobile sans un engagement du conglomérat québécois à conserver ses nouvelles fréquences sans fil pendant « au moins 10 ans ». En Ontario ainsi que dans l’Ouest canadien, les prix pour les services sans fil devront être comparables à ceux qui sont offerts par Vidéotron au Québec.

Dans le marché québécois, les prix sont en moyenne « 20 % plus bas » que dans le reste du pays, a fait remarquer le ministre Champagne.

« Ce que je dis, c’est qu’il s’agit de mes attentes et qu’ils [Rogers, Shaw et Québecor] ont intérêt à y répondre, a-t-il dit. Évidemment, il y a d’autres éléments que nous allons regarder, mais ce sont les deux choses essentielles. »

Du même coup, le ministre bloque officiellement le transfert des licences sans fil de Shaw à Rogers, un engagement qui avait été pris plus tôt cette année. C’est ce qui avait incité les deux entreprises à conclure une entente avec Québecor afin de se départir de Freedom Mobile.

Une sortie planifiée ?

Cette sortie du ministre survient alors qu’une nouvelle séance de médiation doit s’amorcer jeudi entre Rogers, Shaw ainsi que le Bureau de la concurrence. L’organisme fédéral, qui doit donner son avis sur la transaction estimée à 26 milliards, conteste la fusion. Il estime que la transaction nuirait aux consommateurs en raison de prix plus élevés, de services de qualité inférieure et d’innovation perdue.

Toutefois, selon le Globe and Mail, Rogers aurait déjà présenté des propositions pour tenter de trouver un terrain d’entente pendant la médiation. Le Bureau donnera son avis au gouvernement Trudeau, qui aura le dernier mot sur la fusion proposée.

M. Champagne ne semble pas nécessairement en désaccord avec la prise de contrôle de Shaw par Rogers, estime l’analyste Jérôme Dubreuil, de Valeurs mobilières Desjardins.

« Il [M. Champagne] met des conditions, mais ce sont des conditions pour que la transaction aboutisse, explique-t-il, dans un entretien téléphonique avec La Presse. Il avait le pouvoir de dire non et de bloquer la transaction, mais il ne l’a pas fait. »

Du côté de la Financière Banque Nationale, l’analyste Adam Shine se demande si le ministère de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie souhaite voir les choses aller plus vite avec le Bureau de la concurrence.

« Peut-être que [le ministère] a estimé que le processus avait duré assez longtemps, écrit M. Shine, dans une note. Si tel est le cas, cette deuxième médiation s’avérera peut-être plus productive que prévu. »

Freedom Mobile permettrait à Vidéotron de devenir le quatrième acteur en importance dans l’industrie de la téléphonie mobile, aux côtés de Bell, Rogers et Telus.

Freedom Mobile compte environ 1,7 million de clients en Ontario, en Alberta ainsi qu’en Colombie-Britannique. Au Québec, on recense la même proportion de lignes actives chez Vidéotron.

La transaction entre Rogers et Shaw a déjà reçu l’approbation des actionnaires ainsi que du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC).

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  • 17 mois
    L’annonce de la fusion entre Rogers et Shaw remonte à environ un an et demi.
    Source : la presse