Il aura fallu plus de deux ans au Groupe Aldo pour terminer sa restructuration depuis que l’entreprise s’est placée sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC) en mai 2020, au plus fort de la première vague de la pandémie de COVID-19. David Bensadoun, PDG du Groupe Aldo, revient sur ces deux années éprouvantes qui se sont traduites par l’abolition de 400 postes à son siège social de Montréal et la fermeture de près de 270 magasins d’entreprise.

C’est dans les locaux du nouveau et beaucoup moins dispendieux siège social de la rue Hodge à Saint-Laurent que je rencontre David Bensadoun. « On paie 2,5 millions de loyer par année, contre 10 millions dans l’ancien, c’est une économie très appréciable », observe David Bensadoun.

Le nouveau campus du Groupe Aldo, qui appartient à la famille Bensadoun, dispose de 50 % moins de pieds carrés que le précédent, mais le groupe a aussi réduit ses effectifs, qui sont passés de 1250 à 850 personnes.

Dans les faits, ce sont 280 personnes qui ont perdu leur emploi parce qu’il y avait des postes qui n’étaient pas pourvus. Mais cela a été l’épisode le plus douloureux de la restructuration que d’avoir à annoncer ces mises à pied. Il y avait 80 employés qui comptaient plus de 10 années d’ancienneté.

David Bensadoun

Le Groupe Aldo a évolué durant deux ans et deux mois sous la protection de la LACC, un processus long et complexe au terme duquel l’entreprise a réussi à s’entendre avec 99,4 % de ses créanciers qui cumulaient une dette de plus de 300 millions, dont Investissement Québec qui lui avait consenti un prêt de 40 millions. Aldo a remboursé 6 cents par dollar de dette à ses créanciers tout en payant une créance garantie définie par la cour de 3,3 millions à Investissement Québec.

La société, qui exploitait avant la COVID-19 un réseau de 700 magasins d’entreprise au Canada et aux États-Unis et de 1000 franchisés dans 110 pays, se retrouve aujourd’hui avec quelque 1300 magasins. Au Canada, Aldo est aussi propriétaire des marques et magasins Spring et Globo, qui totalisent 110 boutiques.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

David Bensadoun, PDG du Groupe Aldo

« On avait prévu fermer 300 magasins corporatifs, mais on a réussi à s’entendre avec certains propriétaires de centres commerciaux en payant un loyer en fonction de nos ventes plutôt qu’un loyer fixe. On a finalement fermé 267 magasins corporatifs.

« Les 15 magasins qu’on avait en Angleterre et les 6 en France ont été repris par des franchisés. Durant la pandémie, nos 1000 magasins franchisés à l’international ont été moins affectés par les mesures sanitaires que nos enseignes en Amérique du Nord, particulièrement au Canada, où nos magasins en Ontario ont été fermés durant 220 jours », relève David Bensadoun.

Revoir le modèle

David Bensadoun reconnaît toutefois que la situation financière difficile du Groupe Aldo prévalait déjà bien avant la pandémie. La COVID-19 n’a fait qu’accélérer le processus de restructuration.

« On a eu des problèmes d’implantation de notre système SAP [de gestion informatique] dont les coûts sont passés de 65 à 110 millions, en plus des frais pour la mise en place de notre plateforme de commerce en ligne.

« Le nouveau système SAP nous a forcés à délaisser la gestion de notre propre centre de distribution à une tierce partie, l’entreprise Maersk, qui a été victime de piratage informatique et qui a perdu notre inventaire.

« Nos opérations ont été gelées durant un mois. Ces problèmes nous ont coûté 100 millions de marges brutes. On a d’ailleurs reçu récemment une compensation financière significative de Maersk », précise le PDG du Groupe Aldo.

En plus d’exploiter son réseau de plus de 400 magasins Aldo en Amérique du Nord et d’être associé à plus de 1000 magasins franchisés à travers le monde, Aldo dessert plus de 3000 points de vente à titre de grossiste pour des chaînes telles que La Baie, Nordstrom ou Macy’s.

« Avant la pandémie, nos ventes dans nos magasins représentaient 53 % de nos revenus, celles à nos franchisés, 20 %, nos activités de grossiste, 17 % et enfin nos ventes en ligne totalisaient 10 %.

« On vise maintenant à générer des revenus égaux de 25 % pour chacune de nos quatre activités. Avant la pandémie, on enregistrait des revenus de 1,25 milliard US, ils sont aujourd’hui de 850 millions US et on prévoit revenir à 1 milliard d’ici 2025 », anticipe David Bensadoun.

La valeur combinée des revenus du Groupe et de ses franchisés est de l’ordre de 2,5 milliards US.

« On se remet en mode croissance, mais avec des ambitions réalistes. On prévoit ouvrir 150 nouveaux magasins d’ici cinq ans, dont 50 corporatifs et une centaine de franchisés. On va revenir dans certains marchés urbains comme à Houston, où on est passé de 5 à 3 boutiques, où on prévoit ouvrir un magasin », explique le PDG.

Qu’est-ce que David Bensadoun retient de l’épreuve de la douloureuse restructuration qu’il vient de vivre ?

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

David Bensadoun, PDG du Groupe Aldo

Cela a changé notre sens des priorités. Avant la pandémie, on gardait des magasins non rentables en se disant qu’on allait corriger la situation. Là, on va mieux prioriser, il n’y aura plus de vaches sacrées. On a gardé notre âme et nos valeurs sont importantes, mais on va gérer de façon durable.

David Bensadoun

Pour ce colosse de 6 pi 5 po et de plus de 250 lb, qui a été champion québécois de lutte lorsqu’il était au secondaire, ancien joueur de football et de rugby, la pandémie a été difficile à vivre et l’a ébranlé.

« La mode est une business qui est difficile en partant, mais la pandémie a été éprouvante pour tout le monde. Cinq des dix plus gros détaillants en mode au Canada se sont placés sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, Le Château est disparu, mais là, on sent que l’activité reprend », observe de façon optimiste mais réaliste le président du Groupe Aldo.