Le gouvernement Legault a beau avoir dit oui au projet d’agrandissement de la mine de fer du lac Bloom dont il est lui-même actionnaire, le dernier mot revient à Ottawa. Résultat : les premiers coups de pelle n’ont pas été donnés et aucun échéancier n’est avancé.

En mars dernier, par décret, Québec a permis à Minerai de fer Québec (MFQ) de stocker des résidus miniers dans des lacs avoisinants pour prolonger la durée de vie du projet. Mais la joute n’est pas finie. Le feu vert du gouvernement Trudeau est essentiel pour aller de l’avant.

Sans tambour ni trompette, Champion Iron, société mère de MFQ, a récemment indiqué aux investisseurs qu’elle devait obtenir cette « autorisation finale ».

Puisque le projet — qui a reçu un avis très défavorable du BAPE — aura un impact sur l’habitat du poisson, Ottawa a son mot à dire et doit juger acceptable le plan de compensation de la minière. Ce document viendrait d’être transmis, selon Kaitlin Power, attachée de presse du ministre fédéral de l’Environnement, Steven Guilbeault.

Une fois que le plan sera jugé adéquat, [le ministère] engagera les groupes autochtones et les intervenants intéressés. À la suite des consultations, le Ministère sera en mesure de faire une recommandation au ministre, qui, à son tour, fera une recommandation au gouverneur en conseil.

Kaitlin Power, attachée de presse du ministre fédéral de l’Environnement

Ce n’est pas la première fois que le gouvernement Trudeau pourrait venir jouer les trouble-fêtes, même si cette fois-ci, la survie d’une espèce menacée n’est pas en jeu. L’an dernier, par exemple, Ottawa avait torpillé le projet de terminal portuaire Laurentia à Québec. À Montréal, une autorisation fédérale est nécessaire pour permettre au Port de Montréal d’aménager un terminal de conteneurs à Contrecœur.

Dans ce contexte, Champion s’est récemment inscrite au Registre fédéral des lobbyistes. Son chef de la direction, David Cataford, a échangé avec des responsables pas plus tard que le 13 mai dernier, selon les informations publiques.

Québec n’a pas commenté le processus d’évaluation du gouvernement Trudeau.

Agrandissement essentiel

La deuxième phase de la mine du lac Bloom, située sur la Côte-Nord, est en marche au chapitre de la production. MFQ souhaite extraire annuellement 15 millions de tonnes de fer de haute qualité. Mais pour prolonger la durée de vie du projet, un moteur économique pour la Côte-Nord, la société doit agrandir le parc à résidus miniers — du sable et de la silice.

Pour y parvenir, MFQ veut déverser des centaines de tonnes de résidus miniers dans huit lacs, dont un d’une superficie de 88 hectares, ce qui préoccupait le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE). MFQ a proposé un plan d’atténuation pour améliorer le projet et le gouvernement Legault a exigé des compensations estimées à 20 millions pour les dommages causés à l’environnement.

En attendant l’avis d’Ottawa, l’exploitant du complexe minier joue de prudence.

« Bien que les démarches entourant la construction des infrastructures requises, qui ne sont pas reliées à des cours d’eau, pourraient être entamées dès maintenant, MFQ préconise d’abord de finaliser l’analyse du dossier au niveau fédéral », indique sa porte-parole, Noémie Prégent-Charlebois.

« Québec ne doit pas être à la solde du fédéral »

Chez les écologistes, qui aimeraient voir le gouvernement Legault revenir sur sa décision d’autoriser le projet, on a l’intention de faire pression sur Ottawa, selon Ugo Lapointe, cofondateur de la Coalition Québec meilleure mine.

« C’est clair qu’on va pousser, dit-il au téléphone. Mais s’il y avait eu des refus dans le passé, on aurait eu un peu plus d’espoir. Le fédéral peut techniquement bloquer le projet, mais il n’a jamais refusé une demande de la sorte formulée par une minière depuis 20 ans. Québec ne doit pas être à la solde du fédéral. »

L’État québécois est le deuxième actionnaire en importance de Champion. Par l’entremise d’Investissement Québec, son bras financier, il détient environ 8,4 % de la société, selon les données de la firme Refinitiv. Champion a engrangé des profits nets de 522,5 millions pour l’exercice terminé le 31 mars, en hausse de 13 %. La société dit avoir versé environ 306 millions en redevances minières et impôts miniers l’an dernier. On recense environ 1000 travailleurs sur le complexe minier.

En savoir plus
  • 20 ans
    C’est la durée de vie estimée de la mine du lac Bloom, dont les activités devraient se poursuivre jusqu’en 2040
    Source : Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE)