(Sept-Îles) Près d’une décennie après avoir fermé ses portes, la vieille usine de bouletage de Pointe-Noire, à Sept-Îles, devrait reprendre du service moyennant une cure de rajeunissement de plusieurs centaines de millions de dollars que Champion Iron – l’exploitant de la mine de fer du Lac Bloom – souhaite lui offrir.

Il y a encore plusieurs étapes à franchir, mais l’entreprise a dévoilé son jeu, mardi, avant d’inaugurer la deuxième phase de son site minier, un projet qui prévoit le stockage des résidus miniers dans plusieurs lacs de la Côte-Nord.

Société mère de Minerai de fer Québec (MFQ), Champion a conclu une entente pour acquérir l’usine qui avait été reprise par la Société ferroviaire et portuaire de Pointe-Noire pour 2,5 millions. L’entreprise partagera les coûts d’une étude de faisabilité avec un géant de l’acier, dont l’identité n’a pas été révélée, afin d’avoir une idée des sommes à investir.

« L’usine a besoin d’un peu d’amour », a affirmé le chef de la direction de Champion, David Cataford, en conférence de presse à Sept-Îles. « On parle de plusieurs centaines de millions de dollars pour effectuer la mise à jour. On ne parle pas d’une étude de marché. C’est pour avoir une idée des coûts afin de préparer le projet. »

Le projet a été présenté en compagnie du ministre de l’Économie et de l’Innovation, Pierre Fitzgibbon, de son collègue à l’Énergie et aux Ressources naturelles, Jonatan Julien, et de Mike McKenzie, chef de la communauté innue de Uashat-Maliotenam.

Pour fabriquer les boulettes de fer, il faut traiter le minerai pour augmenter sa teneur en fer. Pour Champion, la transformation s’ajouterait à l’exploitation minière. Ces boulettes sont ensuite transformées par des aciéries. Sur la Côte-Nord, ArcelorMittal exploite aussi une usine de bouletage à Port-Cartier.

L’annonce a été accueillie favorablement par les investisseurs. À la Bourse de Toronto, l’action de Champion s'est appréciée de 0,39 $, ou 6,4 %, mardi, pour coter à 6,53 $.

Du neuf avec du vieux

Champion préfère acheter l’usine qui appartenait autrefois à Cliffs Natural Resources – et qui a ouvert ses portes en 1965 – plutôt qu’en construire une nouvelle. Le site abrite de « bonnes infrastructures », comme un broyeur et d’autres équipements « qui coûtent assez cher », a expliqué M. Cataford. L’étude de faisabilité devrait être terminée vers la fin de 2023. La relance du site pourrait survenir l’année suivante ou en 2025.

Si le projet voit le jour, l’exploitant de la mine du Lac Bloom souhaiterait transformer 6 millions de tonnes de minerai à l’usine de bouletage. On souhaite aussi laisser de côté les « huiles lourdes » pour alimenter les fours à arc électrique, ce qui réduirait les émissions de gaz à effet de serre. L’électricité, le gaz naturel et d’autres sources d’énergie renouvelable pourraient faire partie de la solution.

L’entreprise américaine Bedrock Industries avait été identifiée comme acquéreur potentiel en 2019, mais la transaction ne s’était pas matérialisée. Pourquoi cette fois-ci serait-elle la bonne ?

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

David Cataford, chef de la direction de Champion Iron

« On a du minerai de fer de haute qualité, répond M. Cataford. Ceux qui étaient intéressés devaient trouver une façon d’acheter du fer. Nous, on détient notre ressource et on l’exploite. »

Le montage financier du projet n’a pas été précisé. À plusieurs reprises dans le passé, le gouvernement québécois a épaulé Champion. Investissement Québec (IQ), bras financier de l’État québécois, est le deuxième actionnaire de Champion avec une participation de 8,4 %.

De plus, la rentabilité est au rendez-vous pour l’entreprise, qui avait engrangé des profits nets de 407 millions après les neuf premiers mois de son exercice financier.

« Une société qui a son erre d’aller, qui a démontré sa crédibilité, n’a généralement pas besoin du gouvernement, a dit M. Fitzgibbon. Nous sommes ouverts à participer. Force est d’admettre que quand les marchés sont capables de financer le projet, le gouvernement peut prendre un peu de recul. »

Chez Valeurs mobilières Banque Laurentienne, Jacques Wortman voit d’un bon œil les ambitions de Champion, même si on ignore toujours la facture du projet.

« L’usine bénéficie d’un emplacement stratégique, à proximité du port en eau profonde de Pointe-Noire et d’infrastructures ferroviaires, écrit l’analyste dans une note. Elle nécessitera beaucoup de travaux et d’investissements. »

Expansion controversée

La deuxième phase du site minier du Lac Bloom permettra à Champion d’augmenter la production annuelle de minerai à 16 millions de tonnes. Malgré un avis défavorable du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE), Québec avait autorisé l’agrandissement de la mine.

Une compensation financière de 20 millions avait été exigée de l’entreprise pour la perte d’habitats de poissons et de milieux humides.

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    Nombre de travailleurs qu'on devrait bientôt recenser à la mine de fer du Lac Bloom
    SOURCE : Champion Iron