Un partenariat d’une durée de 20 ans signé en 2013 par Vidéotron et Rogers pour développer conjointement un réseau sans fil 4G LTE au Québec et dans la région d’Ottawa tourne en virulente dispute commerciale.

Dans une poursuite déposée vendredi par Vidéotron à la Cour supérieure du Québec, la principale filiale de Québecor réclame 850,3 millions à Rogers Communications.

La requête indique que les ennuis remontent à 2018 lorsque Rogers a « provoqué artificiellement une impasse relativement à l’opération et au développement de ce réseau commun, mettant Vidéotron devant un fait accompli : Rogers développait son propre réseau parallèle ».

Selon Vidéotron, alors que les deux parties avaient de la difficulté à s’entendre sur le partage des coûts en vue d’une mise à jour du réseau, la situation s’est envenimée peu après des changements survenus à la direction de Rogers.

Le nouveau directeur des technologies, Jorges Fernandes, aurait notamment dit qu’il « n’avait jamais vu une entente de partenariat aussi mauvaise […], qui avantageait, selon lui, Vidéotron au détriment de Rogers » et que « quiconque avait négocié […] pour Rogers et y travaillait encore devait être congédié ». Il aurait demandé à Vidéotron de lui faire une proposition afin de modifier ou de renégocier l’accord de manière à en donner les rênes à Rogers.

Toujours d’après la requête, Rogers souhaitait alors majorer les frais associés aux tarifs d’accès (utilisation du spectre appartenant à Rogers) au réseau commun. Les conséquences pour Vidéotron de cette demande « se révéleraient catastrophiques, se chiffrant en dépenses dépassant de plusieurs centaines de millions de dollars » ce qui avait été précédemment convenu, peut-on lire dans le document judiciaire.

Rogers aurait par la suite révélé à Vidéotron qu’elle commençait à mettre sur pied un réseau parallèle, anticipant une impasse dans les discussions, ce qui aurait forcé Vidéotron à faire la même chose, est-il indiqué dans la poursuite.

Vidéotron prétend que Rogers a mené les négociations de mauvaise foi avec des propositions toujours croissantes et incluant de nouvelles composantes au point de provoquer une impasse dans l’objectif de fabriquer un prétexte pour causer le démantèlement prématuré du réseau commun nuisant au passage aux abonnés de Vidéotron et permettant de procéder à la mise en place injustifiée d’un réseau parallèle.

Vidéotron a ainsi dû mettre en place une infrastructure distincte qui l’a forcée à dépenser des sommes qu’elle n’aurait pas eu à engager, n’eût été l’impasse causée par Rogers, souligne le document.

Vidéotron accuse Rogers d’avoir voulu dénaturer l’accord « devant les parts de marché perdues au bénéfice de Vidéotron au Québec et dans la région d’Ottawa, historiquement dominée par Rogers », soutient-on.

Pas dans l’intérêt des clients, dit Rogers

Un partenariat entre Vidéotron et Samsung pour le déploiement d’un réseau 5G a ainsi été annoncé en décembre 2019 alors que le réseau développé conjointement par Rogers et Vidéotron utilise la technologie d’Ericsson.

« Malheureusement, Vidéotron a décidé de ne pas se joindre à nous pour investir dans les améliorations des réseaux au Québec. Cette décision n’est pas dans l’intérêt supérieur de nos clients et ne concorde pas avec nos objectifs de fournir à notre clientèle une connectivité de qualité supérieure », indique la direction de Rogers dans une déclaration officielle envoyée à La Presse par courriel vendredi.

En ce qui concerne la poursuite de Vidéotron, nous y répondrons de façon plus détaillée devant les tribunaux.

Rogers, dans une déclaration officielle envoyée à La Presse par courriel

Rogers fait aussi valoir dans son courriel que l’entreprise investit des milliards de dollars dans l’infrastructure afin d’offrir la « meilleure expérience de service qui soit ». « Ces investissements continuent de croître alors que nous améliorons la connectivité pour les familles et les entreprises québécoises et accélérons le déploiement de la technologie 5G afin de connecter un plus grand nombre de communautés à l’échelle du Québec. »

Cette dispute commerciale opposant Rogers à Vidéotron survient alors qu’une lutte de pouvoirs se déroule chez Rogers mettant en opposition des membres de la famille fondatrice de l’entreprise et alors que Rogers attend l’approbation des autorités réglementaires pour clôturer l’acquisition de Shaw Communications.

Rogers avait tenté d’acquérir Vidéotron au tournant des années 2000. Québecor avait alors fait équipe avec la Caisse de dépôt et placement du Québec pour acheter Vidéotron et ainsi damer le pion à Rogers.