Une dizaine d’entreprises de location de voitures au Québec, notamment Enterprise, Budget et Alamo, sont visées par une action collective pour leurs pratiques jugées discriminatoires à l’égard des jeunes conducteurs. La poursuite a été autorisée le 13 avril dernier par la Cour supérieure, mais ce n’est que mercredi que l’organisme qui l’a pilotée, Option consommateurs, en a fait l’annonce.

« On attendait le bon moment. Ce qu’on souhaite, c’est que les membres de ce groupe se manifestent et que cesse cette pratique discriminatoire », a expliqué en entrevue Sylvie De Bellefeuille, avocate et conseillère budgétaire et juridique à Option consommateurs.

Selon l’organisme de défense des droits des consommateurs, qui a déposé sa requête initiale en août 2019 au nom d’un conducteur montréalais de 26 ans, Guillaume Rousseau, 15 entreprises de location de voiture à court terme ont imposé des frais supplémentaires à des clients âgés de 16 à 24 ans. On allègue en outre que certains jeunes se sont vu refuser la location ou l’accès à certains modèles à cause de leur âge.

Payer en double

Ces pratiques, précisait mercredi Option consommateurs par communiqué, « sont imposées même lorsque les jeunes conducteurs sont déjà couverts par leur propre assurance ». Le nombre d’entreprises poursuivies a été revu à la baisse depuis la requête d’août 2019. Hertz et sa filiale Thrifty, notamment, qui se sont placées sous la protection de la loi américaine des faillites en mai 2020, faisaient partie du groupe initial des entreprises visées, mais pas de celles contre lesquelles l’action collective a été autorisée le printemps dernier.

On fait payer aux gens des frais de 10 $ à 60 $ par jour dans certains cas, tout simplement parce que la personne a moins de 25 ans, alors que ces jeunes paient déjà des primes d’assurance plus élevées en raison de leur âge. C’est une pratique qui, à notre avis, est discriminatoire.

Sylvie De Bellefeuille, avocate et conseillère budgétaire et juridique à Option consommateurs

Dans d’autres cas relevés par Option consommateurs, on a refusé à de jeunes conducteurs certains modèles de voitures. « Par exemple, on ne leur offre que des voitures d’entrée de gamme. Le jeune de 22 ans qui voudrait se louer une belle voiture pour la fin des classes pourrait se voir refuser l’accès. »

Les compagnies d’assurance peuvent légalement établir leurs primes en fonction du risque lié à l’âge, précise-t-elle. Par contre, cette exception ne s’applique pas aux autres domaines commerciaux. « Ce serait comme manger au restaurant et payer un prix différent parce que vous avez moins de 25 ans. On ne pourrait pas exiger d’une personne qu’elle paie plus cher en raison de sa religion. »

L’action collective, qui vise à faire cesser cette pratique et à obtenir une indemnité financière, est faite au nom de tout conducteur québécois âgé de 16 à 24 ans qui aurait payé des frais supplémentaires ou se serait vu refuser une location depuis le 16 août 2016.

Guillaume Rousseau, qui est le représentant du groupe selon la requête, est attaché politique du député bloquiste Xavier Barsalou-Duval, dans la circonscription de Pierre-Boucher–Les Patriotes–Verchères. Le 17 août 2016, il a rapporté avoir conclu un contrat de location de voiture avec Enterprise. Il avait alors 22 ans et comptait cinq ans d’expérience de conduite.

Il a dû payer des frais additionnels de « jeune conducteur » de 5 $ par jour, soit au total 40 $. Il a également noté que seuls trois types de véhicules étaient offerts pour les jeunes de moins de 25 ans, provoquant un imbroglio qui a retardé son départ de trois heures.

M. Rousseau, qui comptait partir en Gaspésie avec deux amis, disposait d’une assurance automobile couvrant les locations. Il « n’a jamais été questionné par le représentant de la défenderesse Enterprise sur son expérience et ses habitudes de conduite ni sur ses antécédents en matière de sécurité routière ou d’infractions de la route », peut-on lire dans la requête modifiée d’octobre 2020.

« Il s’est senti vexé de devoir payer des frais supplémentaires de 10 % en raison de son âge, alors qu’il paie déjà pour ses assurances et qu’on refusait de lui louer n’importe quel véhicule », précise-t-on.

Selon les statistiques de la Société d’assurance automobile du Québec déposées en preuve, on comptait 463 750 conducteurs âgés de 16 à 24 ans en 2018. « Ça touche quand même beaucoup de gens potentiellement, estime MDe Bellefeuille. Et il y a des situations où les tarifs ont doublé, ou les gens ont changé d’idée au moment de louer. »

L’action collective est représentée par le cabinet montréalais Sylvestre Painchaud et associés.

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