(Washington) Johnson & Johnson, un des laboratoires américains accusés d’avoir alimenté la crise des opiacés aux États-Unis qui a fait plus d’un demi-million de morts depuis 1999, a trouvé un accord avec l’État de New York mettant fin aux poursuites judiciaires moyennant 230 millions de dollars et a confirmé avoir arrêté la production et la vente de ces substances.

C’est la procureure générale de New York, Letitia James qui a fait l’annonce samedi dans un communiqué.  

Le groupe étalera le paiement des 230 millions de dollars sur neuf ans, a-t-elle précisé.

De son côté, J & J a annoncé dans un communiqué séparé que cet accord lui permettait d’éviter un procès qui devait commencer lundi et a précisé que le groupe avait pris la décision « d’arrêter tous ses analgésiques sur ordonnance aux États-Unis en 2020 ».

Le règlement annoncé samedi « ne constitue pas un aveu de responsabilité ou d’acte répréhensible de la part de la société », a également souligné le groupe, alors que d’autres procédures judiciaires à l’échelle nationale sont en cours, dont un procès en Californie.

Le laboratoire pourrait également payer 30 millions de dollars de plus la première année si la chambre exécutive de l’État de New York promulguait une nouvelle législation créant un fonds de règlement des opiacés, a indiqué la justice américaine.  

« L’épidémie d’opiacés a fait des ravages dans d’innombrables communautés de l’État de New York et du reste du pays, laissant des millions de personnes toujours dépendantes aux opiacés qui sont dangereux et mortels », a déclaré Mme James dans le communiqué.

« Johnson & Johnson a contribué à alimenter cette crise, mais aujourd’hui, il s’engage à quitter le secteur des opiacés, non seulement à New York, mais dans tout le pays », a-t-elle ajouté.

J & J a tenu à souligner que la décision avait été prise avant l’accord trouvé avec l’État.

Les 230 millions de dollars doivent permettre de financer les efforts de prévention, de traitement et d’éducation aux dangers que présentent ces substances dans l’État de New York.

Johnson & Johnson, Purdue et d’autres laboratoires et distributeurs pharmaceutiques sont accusés d’avoir encouragé les médecins à surprescrire ces médicaments — initialement réservés aux patients atteints de cancers particulièrement graves — alors même qu’ils savaient qu’ils généraient de graves dépendances.

Depuis 1999, cette dépendance a poussé de nombreux consommateurs de ces médicaments vers des doses de plus en plus fortes et vers des drogues illicites comme l’héroïne ou le fentanyl, un opiacé de synthèse extrêmement puissant et donc à fort risque d’overdose fatale.  

Coûts humain et économique

Les centres américains de lutte et de prévention des maladies (CDC), principale agence de santé publique du pays, estiment qu’environ 90 000 personnes sont mortes de surdoses de drogues en 2020, dont les trois-quarts impliquaient encore des opiacés.

Le département de la Santé américain estime que cette crise a été responsable de quatre années de baisse de l’espérance de vie en 2014, 2015, 2016 et 2017.

La crise s’était emballée au point que Donald Trump l’avait décrétée en octobre 2017 « urgence nationale de santé publique ».  

Les CDC avaient estimé en 2019 à quelque 78,5 milliards de dollars par an « le fardeau économique » de la crise, incluant frais de santé, productivité perdue et coûts pour le système pénal. Une étude publiée par la Société américaine des Actuaires avait, elle, évalué à 631 milliards de dollars le coût pour les quatre années 2015-2018.

La crise semblait s’atténuer avant la pandémie, à la faveur des contrôles renforcés des prescriptions notamment, mais les CDC ont récemment indiqué une accélération des décès par surdoses de médicaments dont des morts par opiacés.

Alors que les procédures judiciaires se sont multipliées dans le pays, de nombreuses entreprises tentent de trouver des accords.

En février, le prestigieux cabinet de conseil McKinsey avait ainsi annoncé avoir accepté de verser 573 millions de dollars pour solder des poursuites judiciaires lancées par une quarantaine d’États américains, qui l’accusaient d’avoir contribué à la crise des opiacés via ses conseils aux groupes pharmaceutiques dont Purdue Pharma, le fabricant de l’Oxycontin.