(Montréal) Moins de trois ans après avoir vu un fonds d’investissement américain devenir l’actionnaire majoritaire de Groupe Canam, la famille Dutil, à l’origine de la fondation de la société, rapatrie, avec la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) et le Fonds de solidarité FTQ, le contrôle québécois sur une grande partie des activités du constructeur de structures en acier.

Dans le cadre d’une entente de 840 millions annoncée lundi, les trois partenaires détiendront, à parts égales, les activités canadiennes de la société, certains actifs aux États-Unis et d’autres situés en Roumanie et en Inde, qui comptent près de 2700 des 4900 employés de la société.

« À 77 ans, je ne suis pas encore là pour les 20 prochaines années et là, l’actionnariat de la compagnie est à mon goût », a expliqué en entrevue téléphonique le président du conseil d’administration de Canam, Marcel Dutil, en ajoutant que la décision était appuyée à « l’unanimité » par ses quatre enfants.

Canam est dirigée depuis 2012 par Marc Dutil, l’un des fils du président du conseil d’administration.

Au Canada, la nouvelle société sera propriétaire des sites comme ceux de Canam Bâtiments à Saint-Gédéon-de-Beauce, à Boucherville, en banlieue sud de Montréal, à Mississauga, en Ontario, ainsi qu’à Calgary en Alberta, en plus de détenir les usines de Canam Ponts situées à Québec, Laval et Shawinigan.

Selon M. Dutil, ces activités représentent environ la moitié du chiffre d’affaires total de 2,1 milliards généré l’an dernier par l’entreprise établie à Saint-Georges, en Beauce.

Estimant que sa vision ne cadrait plus avec celle des marchés boursiers, Canam avait conclu une entente, en 2017, visant à fermer le capital de l’entreprise.

American Industrial Partners (AIP) avait mis la main sur 60 % de la société fondée en 1960, alors que Placements CMI — la famille Dutil — la CDPQ et le Fonds de solidarité FTQ se partageaient les 40 % restants. L’offre valorisait Canam à environ 875 millions, incluant la dette.

Canam avait indiqué que le fonds d’investissement devait être présent pour une période de « cinq à sept ans », mais le fondateur de l’entreprise, qui voulait aller plus rapidement, a commencé à négocier il y a environ six mois afin de boucler une transaction.

En 2015, l’homme d’affaires avait également fait appel à des capitaux privés dans le but de fermer le capital du constructeur de semi-remorques Manac.

Pas au complet

La firme new-yorkaise ne retire pas l’ensemble de ses billes dans Canam puisqu’elle demeure en partie propriétaire, en compagnie des joueurs québécois, des filiales américaines Canam Steel Corporation et FabSouth, qui comptent six usines.

« Le prix demandé par l’actionnaire majoritaire était trop élevé à notre goût, a répondu M. Dutil, lorsqu’interrogé à savoir pourquoi AIP conservait une partie des actifs. Si on ne les rachète pas à plus long terme, nous allons aller aux États-Unis quand même. »

La mécanique de la transaction n’a pas été dévoilée, mais tout indique que les trois partenaires ont mis leurs actions respectives dans la nouvelle entreprise en plus de mettre sur la table d’importantes sommes.

Dans son plus récent rapport annuel, la CDPQ indiquait qu’en date du 31 décembre 2018, la valeur de son placement dans Canam oscillait entre 50 millions et 100 millions. En date du 30 novembre dernier, le Fonds de solidarité FTQ évaluait son placement à 49 millions.

Encore de la croissance

À court terme, M. Dutil prévoit procéder à des investissements significatifs dans les usines de Canam Ponts à Québec ainsi qu’à Laval.

Citant la nature cyclique des activités de Canam, son fondateur a indiqué qu’il était hors de question d’envisager un retour à la Bourse de Toronto pour recommencer à faire l’objet de pressions de la part du marché.

« Dans la Beauce, on a 1000 employés, a expliqué M. Dutil. S’il y a une récession, les usines de la région auraient été les premières affectées. Socialement, on a une obligation. J’ai commencé à travailler avec les grands-pères des gens qui sont là. »

La clôture de la transaction, qui doit obtenir les approbations réglementaires habituelles, devrait être conclue au cours des prochaines semaines.