Quatre grands investisseurs institutionnels du Québec ont massivement acheté des actions de l’entreprise montréalaise CAE durant la pandémie. Plus précisément, ils ont acheté pour plus de 100 millions de dollars d’actions du spécialiste des simulateurs de vol juste avant la récente poussée du titre.

C’est ce que révèle l’analyse de documents qui viennent d’être déposés auprès de la Securities and Exchange Commission. Ces documents précisent les participations des investisseurs institutionnels détenues dans des titres cotés sur Wall Street.

Le gestionnaire d’actifs montréalais Letko Brosseau a augmenté de 71 % sa participation dans CAE en acquérant quelque 2 millions d’actions durant les mois de juillet, août et septembre. Jarislowsky Fraser a bonifié de près de 20 % son investissement dans CAE pendant la même période avec l’ajout de 2,4 millions d’actions.

Chez Fiera Capital, la participation dans CAE a gonflé de 30 % à la suite de l’acquisition d’environ 1 million d’actions. L’Office d’investissement des régimes de pensions du secteur public (Investissements PSP) a de son côté ajouté près de 400 000 actions de CAE durant le trimestre estival.

Investissement payant

La décision l’été dernier d’investir dans CAE s’avère déjà très payante pour ces grands investisseurs. Le titre s’est beaucoup apprécié ce mois-ci depuis que la direction a publié la semaine dernière ses perspectives sur la demande de pilotes et présenté des résultats trimestriels épatants le lendemain.

Après avoir entamé novembre à 22 $, l’action vaut aujourd’hui une trentaine de dollars, l’équivalent d’une appréciation de près de 30 % ce mois-ci. Le titre demeure toutefois encore loin de son sommet de 42 $ atteint en février. Il avait reculé jusqu’à 14 $ au printemps.

Le titre de CAE a réagi au printemps comme si c’était celui d’un transporteur aérien alors que la réalité est loin de ça.

Charles Nadim, gestionnaire de portefeuille et cochef des actions chez Jarislowsky Fraser

M. Nadim souligne qu’environ 37 % du chiffre d’affaires de CAE provient de la formation par simulateurs dans le segment militaire, alors que de 3 à 5 % provient d’activités dans le secteur de la santé. « Le reste des revenus est lié à la formation par simulateurs dans le secteur civil dont la moitié dépend des jets d’affaires, un segment où le trafic aérien a déjà fortement rebondi. » L’exposition à l’aviation commerciale est donc relativement faible, dit-il.

Il fait aussi valoir que CAE est plus sensible aux flottes d’appareils qu’au nombre de passagers. « Même si un avion vole à moitié plein, le transporteur a besoin de ses pilotes. »

La réglementation entourant la formation des pilotes sur simulateurs est aussi de plus en plus stricte, ajoute-t-il. « Ça force les pilotes à s’entraîner aux 6 à 12 mois pour maintenir leur licence de pilotage. »

Perspectives intéressantes

Ces facteurs expliquent le rebond du titre de CAE dans les derniers mois, selon lui. Ce que le marché ne réalise cependant pas encore pleinement, précise-t-il, est qu’une récession comme celle de cette année permet aux chefs de file ayant des bilans solides d’en ressortir encore plus forts.

« Il va y avoir des opportunités de consolidation et des opportunités de sous-traitance pour la formation des pilotes. Des transporteurs aériens voudront accélérer la sous-traitance et il s’agira de revenus récurrents pour une entreprise comme CAE. C’est d’ailleurs ce qui rend CAE beaucoup moins cyclique qu’un transporteur aérien », mentionne Charles Nadim.

Par ailleurs, la Caisse de dépôt et placement du Québec a indiqué en début de semaine qu’elle achetait pour 150 millions de dollars d’actions de CAE au moment où l’entreprise montréalaise annonçait l’acquisition d’un concurrent européen (Flight Simulator Company).

Les transactions significatives

Les grands investisseurs institutionnels québécois ont multiplié les transactions au cours du troisième trimestre de l’année, période durant laquelle le rebond boursier s’est prolongé avec la pandémie. Voici quelques mouvements significatifs

PHOTO SUSANA GONZALEZ, ARCHIVES BLOOMBERG

La Caisse de dépôt et placement du Québec a diminué de 52 % sa participation dans Colgate-Palmolive en vendant 3 millions d’actions de cette entreprise américaine de produits de consommation.

Caisse de dépôt et placement du Québec

Cheffe des marchés boursiers : Helen Beck

Siège social : Montréal

Fait saillant : réduction importante de la participation dans Colgate-Palmolive

Autres gestes significatifs au troisième trimestre de 2020

Vente de 1,1 million d’actions de Manuvie

Vente de 4,7 millions d’actions d’Enbridge

Vente de 1 million d’actions de Stantec

Le plus gros investisseur institutionnel du Québec a diminué de 52 % sa participation dans Colgate-Palmolive en vendant 3 millions d’actions de cette entreprise américaine de produits de consommation. Ça fait maintenant par ailleurs deux trimestres de suite que la Caisse vend des blocs d’au moins 4 millions d’actions d’Enbridge. Du côté des achats, soulignons l’acquisition de 2,6 millions d’actions d’Oracle, l’équivalent d’une hausse de plus de 30 % du placement dans cette entreprise américaine de logiciels.

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

La Banque TD se taille une place de plus en plus imposante dans le portefeuille de l’Office d’investissement des régimes de pensions du secteur public (PSP) – l’un des grands gestionnaires de fonds pour des caisses de retraite au pays.

Investissements PSP

Chef des placements : Eduard van Gelderen

Siège social : Ottawa (bureau principal à Montréal)

Fait saillant : bonification substantielle du placement dans la Banque TD

Autres gestes significatifs au troisième trimestre de 2020

Achat de 4,7 millions d’actions d’Avista Corporation

Achat de 4,3 millions d’actions de Palantir Technologies

Achat de 1,5 million d’actions de Fitbit

La Banque TD se taille une place de plus en plus imposante dans le portefeuille de l’Office d’investissement des régimes de pensions du secteur public (PSP) – l’un des grands gestionnaires de fonds pour des caisses de retraite au pays. Un bloc de 2,1 millions d’actions de la TD s’est ajouté au troisième trimestre après le bloc de 1,5 million acheté au trimestre précédent. L’investissement dans Fitbit est majoré de façon importante (+ 70 %) pour un deuxième trimestre de suite.

PHOTO MICHEL EULER, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

La participation de Fiera Capital dans Microsoft vient de bondir de 122 % avec l’achat de 4 millions d’actions du géant informatique américain.

Fiera Capital

Chef des placements, division canadienne : Nicolas Papageorgiou

Siège social : Montréal

Fait saillant : bonification substantielle du placement dans Microsoft

Autres gestes significatifs au troisième trimestre de 2020

Achat de 1,9 million d’actions de Hanesbrands

Vente de 1,9 million d’actions de Suncor

Vente de 1,4 million d’actions de US Bancorp

La Banque Scotia n’a décidément plus la cote chez Fiera. Pour un quatrième trimestre de suite, la participation dans la Scotia est abaissée de façon significative. Cette fois, le gestionnaire d’actifs montréalais a vendu près de 700 000 actions de la Scotia durant les mois de juillet, août et septembre, l’équivalent de 82 % de la participation encore détenue en portefeuille. La participation dans Microsoft vient par ailleurs de bondir de 122 % avec l’achat de 4 millions d’actions du géant informatique américain.

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

La Banque Royale du Canada prend de moins en moins de place en portefeuille au sein de la firme qui porte le nom de Stephen Jarislowsky.

Jarislowsky Fraser

Co-chefs des actions : Charles Nadim et Kelly Patrick

Siège social : Montréal

Fait saillant : importante réduction de la position dans la Banque Royale du Canada

Autres gestes significatifs au troisième trimestre de 2020

Achat de 4,9 millions d’actions de Magna International

Achat de 1 million d’actions de Manuvie

Achat de 1,7 million d’actions d’Enbridge

La Banque Royale du Canada prend de moins en moins de place en portefeuille au sein de la firme qui porte le nom de Stephen Jarislowsky et qui est aujourd’hui une filiale de la Banque Scotia. La valeur de la participation dans la plus grande banque canadienne a diminué de 62 % au cours du trimestre. Un bloc de 4,2 millions d’actions a été vendu durant les mois de juillet, août et septembre. Cette transaction suit la vente de 1,2 million d’actions de la Royale au trimestre précédent.

PHOTO MIKE BLAKE, ARCHIVES REUTERS

Les documents déposés auprès des autorités montrent que Letko Brosseau a liquidé les 2,7 millions d’actions de BlackBerry qui restaient en portefeuille.

Letko Brosseau

Responsables des placements : Peter Letko et Daniel Brosseau

Siège social : Montréal

Fait saillant : élimination de la participation dans BlackBerry

Autres gestes significatifs au troisième trimestre de 2020

Vente de 4,2 millions d’actions de Hudbay Minerals

Vente de 3,2 millions d’actions de Brookfield Property Partners

Vente de 1,3 million d’actions de Telus

Letko Brosseau continue de réduire son investissement dans Manuvie. Pour un deuxième trimestre de suite, le gestionnaire d’actifs montréalais a vendu environ 1,4 million d’actions de l’assureur. Les documents déposés auprès des autorités montrent aussi que Letko Brosseau a liquidé les 2,7 millions d’actions de BlackBerry qui restaient en portefeuille. La participation dans Cenovus est de nouveau abaissée à la suite de la vente de 2,5 millions d’actions.

PHOTO RICHARD DREW, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Hexavest a procédé à une bonification substantielle de sa participation dans JPMorgan Chase.

Hexavest

Chef des placements : Vital Proulx

Siège social : Montréal

Fait saillant : bonification substantielle de la participation dans JPMorgan Chase

Autres gestes significatifs au troisième trimestre de 2020

Achat de 800 000 actions de Suncor

Vente de 2,2 millions d’actions de Freeport-McMoRan

Achat de 1,7 million d’actions de Wells Fargo

Pour un deuxième trimestre consécutif, le gestionnaire d’actifs montréalais a liquidé plus de 2 millions d’actions de Freeport-McMoRan (secteur minier). D’importants blocs d’actions de plusieurs banques américaines ont été achetés durant le trimestre, notamment JPMorgan (+ 900 000 actions), Wells Fargo (+ 1,7 million), Citigroup (+ 800 000 actions), US Bancorp (+ 800 000 actions) et Bank of America (+ 220 000 actions).

Méthodologie : Les grands investisseurs institutionnels sont tenus de déclarer à la Securities & Exchange Commission tous les trimestres le contenu de leurs portefeuilles d’actions qui s’échangent sur les marchés américains. Les titres de nombreuses entreprises canadiennes et québécoises se négocient aux États-Unis, ce qui rend intéressants les documents déposés par les investisseurs institutionnels. Ces déclarations sont surveillées afin d’obtenir des signaux révélant où les grands investisseurs identifient des valeurs. Les documents portant sur le troisième trimestre de 2020 ont été déposés dans les derniers jours, ce qui permet de voir comment les grands investisseurs de la province se sont positionnés pour l’automne.