Le Cirque du Soleil pourrait-il avoir à nouveau des propriétaires majoritairement québécois ? Oui, croit le gouvernement du Québec, qui vient d’obtenir le droit de racheter le Cirque du Soleil d’ici trois ans en échange d’un prêt de 200 millions US.

Selon ce scénario, le gouvernement du Québec pourrait profiter de cette « fenêtre de rachat » pour racheter les actions du fonds américain TPG (55 %) et du fonds chinois Fosun (25 %). En pratique, le plan de Québec est d’utiliser ce droit de rachat pour s’assurer qu’un consortium québécois prenne la relève du fonds américain TPG comme actionnaire majoritaire. En aucun cas le gouvernement du Québec ne veut devenir actionnaire majoritaire du Cirque du Soleil.

« Je veux qu’on soit en contrôle », a résumé le ministre de l’Économie du Québec, Pierre Fitzgibbon, en entrevue avec La Presse.

Le ministre Fitzgibbon « espère » pouvoir trouver des actionnaires québécois d’ici deux ou trois ans. « C’est en harmonie avec [ce que veut] TPG, dit le ministre Fitzgibbon. TPG reste dans les transactions entre cinq et sept ans [avant de revendre]. » TPG a acheté le Cirque en 2015.

Actuellement, deux entreprises québécoises ont signalé publiquement leur intérêt pour le Cirque : Québecor et le cofondateur du Cirque Guy Laliberté.

Le Groupe CH/evenko, Claridge, Québecor, je peux vous citer cinq ou six [entreprises québécoises] qui pourraient être intéressées. Je donne beaucoup de crédit à M. Laliberté, je le respecte beaucoup. Même chose pour Québecor, une compagnie qui est un excellent opérateur.

Pierre Fitzgibbon, ministre de l’Économie et de l’Innovation

Il poursuit : « Dans trois ans, j’espère [trouver un actionnaire québécois]. Sinon, on continuera comme ça [avec des actionnaires étrangers]. La détention [par des actionnaires étrangers], ce n’est pas un péché. On a une option pour acheter, c’est ce qu’on préférerait, mais on n’y est pas obligés. Les Américains, on les aime, on dépend beaucoup d’eux [sur le plan économique]. »

La Caisse de dépôt et placement du Québec garderait son bloc d’actions de 20 %. Le ministre Fitzgibbon n’exclut pas que le gouvernement du Québec puisse prendre une participation minoritaire de 10 % à 15 %.

L’entente entre Québec, TPG et Fosun prévoit déjà les conditions financières du rachat des actions de TPG et Fosun. Il se ferait selon un multiple des profits du Cirque, ce qui équivaudrait toutefois à une évaluation moins élevée qu’en 2015 (1,5 milliard US).

Le Cirque a eu des propriétaires majoritairement québécois jusqu’en 2015, alors que le cofondateur Guy Laliberté a vendu le Cirque au consortium mené par TPG.

Un prêt de 200 millions

Pour l’instant, Québec prêtera 200 millions US au Cirque du Soleil si les actionnaires actuels réussissent à rester en selle.

Ce prêt ne devrait rien coûter aux contribuables québécois : au contraire, le gouvernement du Québec recevra des intérêts « qui pourraient être très intéressants » sur ce prêt, selon le ministre Fitzgibbon. Québec ne peut toutefois pas divulguer les conditions financières du prêt en raison du processus de restructuration du Cirque.

Si TPG reste propriétaire du Cirque, le prêt de 200 millions US du gouvernement du Québec permettra au Cirque de payer les dépenses pour la relance de ses spectacles après la COVID-19, d’ici un an et demi.

Dans son entente de prêt, Québec s’assure que le Cirque diminuera de façon importante son niveau d’endettement. L’entente prévoit aussi le maintien du siège social à Montréal, le maintien de Québécois pour occuper le poste de président du conseil d’administration et de PDG, une clause pour limiter les salaires de la haute direction et le maintien de la propriété intellectuelle au Canada.

À condition que TPG reste propriétaire

Il est toutefois loin d’être certain que le consortium mené par TPG reste actionnaire du Cirque.

Sans revenus depuis le début de la crise du coronavirus et forcé de renégocier sa dette garantie de 900 millions US, le Cirque du Soleil a lancé plus tôt ce mois-ci un processus de restructuration — un peu comme si l’entreprise était en vente.

Tout acheteur intéressé peut présenter son offre, et le Cirque choisira au bout du compte la meilleure offre pour ses actionnaires et ses créanciers. En pratique, c’est toujours l’offre la plus élevée sur le plan financier qui l’emporte.

Dans ce contexte, afin de conserver la propriété du Cirque, TPG et ses associés doivent présenter une offre, au même titre que tous les autres acheteurs intéressés.

Actuellement, une quinzaine d’entreprises ont signifié au Cirque leur intérêt pour participer au processus de restructuration et regarder les états financiers de l’entreprise. Il reste encore quelques semaines pour s’inscrire au processus.

La firme américaine d’investissement privé Providence Equity est notamment sur les rangs. La firme d’investissement américaine Blackstone s’est aussi inscrite au processus, mais selon nos informations, Blackstone n’aurait pas l’intention pour l’instant de soumettre une offre.

Le Fonds de solidarité FTQ participe au processus

PHOTO RYAN REMIORZ, THE CANADIAN PRESS

Le cofondateur du Cirque du Soleil, l’entrepreneur québécois Guy Laliberté

Le Fonds de solidarité FTQ s’est inscrit au processus (il est créancier à hauteur de 40 millions) et pourrait être intéressé à devenir actionnaire minoritaire du Cirque dans un consortium à propriété québécoise. « Nous sommes ouverts à analyser tout scénario de relance et de reprise des activités du Cirque du Soleil qui va renforcer son siège social montréalais de même que les retombées économiques pour le secteur culturel québécois », a dit Patrick McQuilken, porte-parole du Fonds de solidarité FTQ.

Le cofondateur du Cirque du Soleil, l’entrepreneur québécois Guy Laliberté, a aussi l’intention de déposer une offre d’achat avec des partenaires. Québecor a aussi indiqué publiquement son intérêt pour acheter le Cirque du Soleil, mais ne s’est toujours pas inscrite officiellement au processus.

Si TPG ne conserve pas la propriété du Cirque du Soleil au terme du processus de restructuration, le gouvernement du Québec pourrait faire la même offre de prêt de 200 millions US aux nouveaux propriétaires — moins la clause de rachat, évidemment.