La Caisse de dépôt et placement du Québec a diminué de façon importante et rapide le nombre d’actions qu’elle détient dans Gildan, l’un de ses principaux placements boursiers au Québec.

La participation de la Caisse de dépôt dans le fabricant montréalais de t-shirts et de chaussettes a diminué de 35 % au cours des trois premiers mois de l’année. L’investissement dans Gildan a maintenant été abaissé de plus de 70 % depuis deux ans.

Au début d’avril, la Caisse détenait 6,7 millions d’actions de Gildan, un placement d’une valeur de quelque 330 millions CAN, peut-on constater dans des documents déposés auprès des autorités boursières américaines. Le « bas de laine des Québécois » s’est délesté de 3,6 millions d’actions de Gildan dans les trois mois précédents.

Si la Caisse demeure un des plus importants actionnaires de l’entreprise, son investissement a déjà été beaucoup plus important. Il y a deux ans, la Caisse détenait 22,9 millions d’actions, pour une valeur de plus de 800 millions.

Or, l’action de Gildan a plutôt bien fait au cours des dernières années et est en hausse d’environ 20 % depuis le 1er janvier. Dans son rapport annuel déposé le mois dernier, la Caisse indiquait que Gildan était une des 10 principales positions au Québec de son portefeuille boursier pour amorcer 2019. On peut aussi lire que Gildan compte parmi les titres qui ont fourni un « apport élevé » au rendement du portefeuille et que l’entreprise est caractérisée par « une équipe de direction de qualité ».

Que s’est-il passé ? « La Caisse ne commente jamais ses transactions effectuées au jour le jour sur les marchés boursiers », a rappelé à La Presse le porte-parole de l’institution, Maxime Chagnon.

Analystes réservés

Seulement 3 des 12 analystes qui suivent les activités de Gildan recommandent présentement l’achat de l’action.

Il faut dire que les profits n’ont pas augmenté au même rythme que l’action. Le ratio cours/bénéfice a augmenté de 50 % depuis un an, passant à 25 fois les bénéfices. Le ratio moyen de l’industrie se situe autour de 16, selon la firme Morningstar.

Certains analystes émettent aussi des réserves sur la capacité de l’entreprise à bien exécuter sa stratégie.

« Gildan n’a pas toujours livré les résultats visés dans son plan de match », note Vishal Shreedhar, de la Financière Banque Nationale, dans un rapport récent. L’analyste donne en exemple la volonté de Gildan d’implanter une plaque tournante manufacturière au Costa Rica – ce projet a été annulé – ou de prendre de l’expansion dans le secteur du sous-vêtement féminin.

Instabilité au Honduras

Enfin, le contexte géopolitique peut également ébranler la confiance des investisseurs, s’il devient un facteur de risque. Par exemple, la majeure partie des produits de Gildan sont fabriqués en Amérique centrale, notamment au Honduras. Ce pays est réputé comme étant un des plus dangereux du monde. La pauvreté, la violence et la criminalité amènent une partie de la population à fuir, alors que la corruption et la présence de gangs de rue alimentent les inquiétudes. La situation s’est exacerbée au cours des dernières années.

« Nous pourrions subir l’incidence négative des risques liés au climat politique et socioéconomique propre aux pays où nous exerçons nos activités. » — Extrait du plus récent rapport annuel de l’entreprise

La direction de Gildan a annoncé, mercredi dernier, qu’elle invitait les investisseurs institutionnels et les analystes à venir au Honduras en septembre pour y visiter ses installations de fabrication et discuter avec les dirigeants.

Gildan organise des voyages pour investisseurs institutionnels et analystes tous les deux ou trois ans depuis plusieurs années, souligne Sophie Argiriou, vice-présidente aux communications avec les investisseurs.

« Les analystes ont pu visiter les installations de Gildan au Honduras en 2006, en 2008, en 2011, en 2013 et pourront le faire à nouveau à la fin de 2019. Au cours des 10 dernières années, ils ont aussi eu l’occasion de visiter nos installations de fabrication en République dominicaine ainsi que les installations de filature aux États-Unis en 2016 », précise-t-elle.

« Les installations de fabrication de Gildan à travers le monde représentent un avantage concurrentiel important dans lequel nous avons continuellement investi au fil des années. Il est donc important pour les investisseurs d’avoir l’occasion de constater ces investissements. Les invités pourront visiter l’usine Rio Nance 6, la plus grande usine de fabrication de textiles de Gildan, qui a débuté ses opérations en 2018, ainsi que les autres usines mises sur pied depuis leur dernière visite. »

Gildan a par ailleurs annoncé récemment son intention d’investir significativement dans la production au Bangladesh. Cela pourrait faciliter son accès au prometteur marché chinois, note la firme GMP, qui recommande l’achat de l’action.

Gildan en chiffres (annualisés sur les quatre derniers trimestres)

Chiffre d’affaires : 2,88 milliards US (- 0,8 % sur un an) Bénéfice net : 305,6 millions US (- 12 % sur un an) Capitalisation boursière : 10,2 milliards Grands investisseurs

Comment les grands jouent leurs cartes

Voici quelques gestes significatifs réalisés par les grands investisseurs institutionnels québécois.

Caisse de dépôt

Chef des marchés liquides : Macky Tall

Siège social : Montréal

Fait saillant : réduction substantielle de la participation dans Gildan

Autres gestes significatifs au premier trimestre de 2019

Vente de 12,6 millions d’actions d’Enbridge

Vente de 2,7 millions d’actions de la Scotia

Ajout de 2,5 millions d’actions de Caesars Entertainment

En plus d’abaisser de 35 % son investissement dans Gildan, la Caisse a diminué de 30 % sa participation dans Enbridge durant les trois premiers mois de l’année. L’entreprise de Calgary du secteur de l’énergie demeure néanmoins un des plus importants placements en portefeuille. Le plus grand investisseur institutionnel du Québec reste un des 10 principaux actionnaires d’Enbridge. Les documents déposés ce mois-ci auprès de la Securities & Exchange Commission montrent aussi que la Caisse a bonifié de 200 % son investissement dans Coca-Cola avec l’ajout de 1,4 million d’actions. La participation dans Bank of America a été réduite de 55 % (- 2 millions d’actions), celle dans Alibaba a diminué de 70 % (- 1,3 million d’actions), alors que celle dans Pfizer a reculé de 32 % (- 1 million d’actions).

Investissements PSP

Chef des placements : Eduard van Gelderen

Siège social : Ottawa (bureau principal à Montréal)

Fait saillant : hausse importante de la participation dans la TD

Autres gestes significatifs au premier trimestre de 2019

Vente de 3,8 millions d’actions de Brookfield Properties

Ajout de 1 million d’actions de la Banque Royale

Ajout de 3,6 millions d’actions de la Banque TD

L’Office d’investissement des régimes de pensions du secteur public (PSP) – l’un des grands gestionnaires de fonds pour des caisses de retraite au pays – continue de « jouer » avec le titre de Bank of America. PSP a abaissé de 50 % son investissement dans cette banque américaine au premier trimestre en vendant 1,2 million d’actions. La position avait été bonifiée de 300 % au quatrième trimestre de 2018 avec l’achat de près de 2 millions d’actions. La participation avait été charcutée de 90 % au troisième trimestre de 2018.

Fiera Capital

Chef des placements : Nicolas Papageorgiou

Siège social : Montréal

Fait saillant : élimination de la participation dans Maxar

Autres gestes significatifs au premier trimestre de 2019

Réduction de 1 million d’actions de CAE

Réduction de 1,5 million d’actions de Manuvie

Réduction de 1,2 million d’actions de Canadian Natural Resources

Le gestionnaire d’actifs montréalais a jeté l’éponge avec Maxar. Fiera a vendu les 2 millions d’actions qu’elle détenait dans cette entreprise au cours des mois de janvier, février et mars. Fiera vient par ailleurs de prendre une première participation notamment dans Portola Pharmaceuticals (achat de 1,5 million d’actions), dans Immunomedics (+ 2 millions d’actions) et dans Chesapeake Energy (achat de 7,6 millions d’actions) au premier trimestre.

Jarislowsky Fraser

Cochefs, actions : Charles Nadim et Kelly Patrick

Siège social : Montréal

Fait saillant : réduction de la position dans CAE

Autres gestes significatifs au premier trimestre de 2019

Réduction de 1 million d’actions de Manuvie

Réduction de 578 000 actions de Gildan

Réduction de 700 000 actions de la TD

Pour le troisième trimestre de suite, la firme qui porte le nom de Stephen Jarislowsky et qui est récemment devenue une filiale de la Banque Scotia a abaissé significativement son exposition à la Banque Royale. La firme a vendu 556 000 actions de la plus grande banque du pays au premier trimestre. Elle en avait vendu 2,6 millions au trimestre précédent et 1,4 million trois mois plus tôt.

Letko Brosseau

Responsables des placements : Peter Letko et Daniel Brosseau

Siège social : Montréal

Fait saillant : bonification substantielle de la position dans EnCana

Autres gestes significatifs au premier trimestre de 2019

Ajout de 11,4 millions d’actions d’EnCana

Vente de 895 000 actions de Hudbay Minerals

Réduction de 714 000 actions de BCE

Après avoir ajouté 7,6 millions d’actions d’EnCana au quatrième trimestre de 2018, le gestionnaire d’actifs montréalais a bonifié de 50 % son investissement au premier trimestre avec l’acquisition de 11,4 millions d’actions supplémentaires. Manuvie continue de prendre de l’importance en portefeuille avec l’ajout de 560 000 actions de l’assureur canadien au début de l’année. Letko Brosseau avait déjà fait l’acquisition de 2 millions d’actions de Manuvie au trimestre précédent.

Hexavest

Cochefs des placements : Vital Proulx et Vincent Delisle

Siège social : Montréal

Fait saillant : réduction importante de la participation dans Manuvie

Autres gestes significatifs au premier trimestre de 2019

Achat de 1,9 million d’actions d’ExxonMobil

Vente de 4,8 millions d’actions d’AT&T

Vente de 4,1 millions d’actions de Ford

Le gestionnaire d’actifs montréalais a pris une première participation importante dans plusieurs grandes entreprises au premier trimestre, notamment ExxonMobil, Chevron, Starbucks, Intel et Teck. Hexavest a par ailleurs abaissé de 90 % son investissement dans Manuvie (- 2 millions d’actions) et bonifié de 10 000 % sa position dans Suncor (+ 1,4 million d’actions). Les participations dans Verizon et AT&T ont été substantiellement réduites.