En plus d'être mêlée à une crise politique à Ottawa, SNC-Lavalin, qui a abaissé ses prévisions de bénéfices à deux reprises depuis la fin du mois de janvier, est maintenant décotée par Standard and Poor's.

Dans une note d'analyse, l'agence de notation américaine attribue sa décision au profil financier de la firme d'ingénierie, au risque d'un ralentissement économique mondial ainsi qu'aux conséquences potentielles d'une condamnation criminelle au Canada découlant des accusations de fraude et de corruption déposées par la Gendarmerie royale du Canada (GRC) en 2015 pour des gestes qui auraient été posés en Libye.

Une condamnation pourrait empêcher la compagnie de décrocher des contrats fédéraux pour une période pouvant s'échelonner sur dix ans.

« Elle reflète les attentes selon lesquelles les bénéfices et flux de trésorerie de SNC-Lavalin seront inférieurs aux estimations précédentes », écrit dans sa note l'analyste Alessio Di Francesco.

La cote de crédit de SNC-Lavalin passe ainsi de BBB à BBB-. Une baisse de la note de crédit se traduit généralement par une hausse des coûts d'emprunt pour l'entreprise concernée.

Par courriel, une porte-parole de la firme, Daniela Pizzuto, a indiqué que la société n'avait « aucun commentaire » à formuler sur la décision de l'agence de notation new-yorkaise.

Aux prises avec des problèmes d'exécution dans le cadre d'un projet minier au Chili et confrontée à de l'instabilité en Arabie saoudite - l'un de ses principaux marchés - l'entreprise québécoise anticipe un bénéfice ajusté par action qui devrait varier entre 1,20 $ et 1,35 $ pour l'exercice 2018. Cela représente une baisse de 44 % par rapport à la prévision révisée de la fin janvier.

« À notre avis, les tensions entre (le Canada et l'Arabie saoudite) nuisent à la compétitivité de l'entreprise au Moyen-Orient et devraient avoir une incidence sur ses perspectives de croissance », souligne M. Di Francesco.

En 2017, la multinationale a généré des revenus d'environ 1 milliard en Arabie saoudite, soit 11 % de son chiffre d'affaires total. Quelque 9000 de ses 50 000 employés se trouvent dans ce pays.

La décote survient alors que le commissaire fédéral à l'éthique a ouvert une enquête sur les allégations selon lesquelles le bureau du premier ministre Justin Trudeau aurait exercé des pressions sur l'ancienne procureure générale Jody Wilson-Raybould - qui a démissionné du cabinet mardi - pour qu'une entente à l'amiable soit conclue avec la firme et lui permette d'éviter un procès criminel.

Standard and Poor's a également souligné les impacts potentiels découlant d'une interdiction pour SNC-Lavalin d'obtenir des contrats fédéraux au Canada, où elle a réalisé près du tiers de ses revenus de 9,3 milliards en 2017.

« À notre avis, un dénouement négatif viendra affaiblir sa position concurrentielle », prévient l'agence de notation.

S'il ne s'est pas montré surpris de la décision de Standard and Poor's - puisque SNC-Lavalin a révisé à la baisse ses prévisions à deux reprises en peu de temps -, l'analyste Derek Spronck a néanmoins estimé, dans une note envoyée par courriel, que cette nouvelle était « négative » pour la firme.

SNC-Lavalin pourrait également faire face à des accusations criminelles au Québec. Le Directeur des poursuites criminelles et pénales s'intéresse à l'enquête de la police fédérale à propos de gestes qui auraient été posés par l'entreprise au début des années 2000 entourant l'obtention d'un contrat de réfection pour le pont Jacques-Cartier.

À la Bourse de Toronto, l'action de SNC-Lavalin se négociait à 33,90 $, mercredi avant-midi, en recul de 38 cents.