Au cours de l’hiver, Rouge Media a négocié son 1600e contrat avec un campus américain pour y installer des surfaces d’affichage publicitaire. Cette signature survenait trois ans après l’acquisition de l’entreprise, née à Boucherville en 2003, par le fonds d’investissement canadien Fairfax Financial, qui a donné un véritable élan à son plan d’affaires américain.

« Nos dépenses sont passées de centaines de milliers à des millions, affirme Martin Poitras, PDG de Rouge Media. En trois ans, le nombre de surfaces publicitaires sur les campus (universités et collèges), dans nos réseaux Femmes (salons de coiffure, bars à ongles) et Hommes (barbiers) a crû de 200 000 à des millions. »

Martin Poitras dit n’avoir jamais manqué d’ambition. « Avant, chaque année, on ne prenait qu’un projet, on était raisonnables. » Mais voilà, cet ancien vice-président de Zoom Média avait un plan de croissance en tête. « On voulait prendre quatre décisions qu’on était incapables de se payer, décrit-il. On avait, à l’époque, un petit pied aux États-Unis avec notre réseau Femmes. On en voulait un deuxième, car c’est une autre source de revenus. On voulait vraiment développer le réseau des campus universitaires, mais c’est un travail de terrain colossal. Il nous fallait beaucoup plus de produits numériques. Or, ce n’est pas le même coût que l’affichage statique. Il fallait aussi plus d’argent pour embaucher des employés. Et jusqu’à il y a trois ans, on travaillait sur Excel… »

À l’arrivée de Fairfax, Rouge a établi un plan de match sur cinq ans. Elle a rapidement mis la main sur un réseau de 200 collèges américains, puis a investi dans le numérique tant au Canada qu’aux États-Unis, pour ne pas offrir que des panneaux publicitaires statiques, s’est nommé un « vrai » patron à New York pour accroître la présence de son réseau Femmes… L’entreprise a atteint ses objectifs d’implantation dans les collèges américains et de virage numérique en trois ans.

PHOTO FOURNIE PAR ROUGE MEDIA

Martin Poitras, président-directeur général de Rouge Media

On n’avait pas prévu que le réseau collégial allait être aussi gros. Fairfax gère plus de 40 milliards d’actifs. C’est un peu fou.

Martin Poitras, président-directeur général de Rouge Media

« Je découvre d’ailleurs depuis trois ans la culture du venture capitalism et des acquisitions. C’est souvent court terme, pour revendre après, mais Fairfax prône le long terme. Elle s’est assurée que je voulais faire ça longtemps. C’est sécurisant », explique Martin Poitras.

« Cette transaction m’a permis d’avoir un autre souffle comme PDG, ajoute-t-il. C’est impressionnant de se retrouver à côté du président de la Banque d’Irlande, détenue aussi par Fairfax, lors de son assemblée annuelle en compagnie de 39 PDG. »

Expansion

Ces trois dernières années, l’expansion canadienne (Rouge y gère notamment des surfaces dans 110 universités et collèges) a-t-elle été délaissée au profit de l’américaine ? L’entreprise compte des bureaux à New York, Los Angeles et Chicago, mais aussi à Montréal, Toronto et Vancouver.

« Depuis 2016, on a toujours gardé le plan sur deux pays », répond Martin Poitras, qui travaille de Toronto. 

Le Canada est un marché beaucoup plus petit, plus à maturité, mais on a fait le même virage qu’aux États-Unis. Ce marché a bénéficié des revenus américains. On a investi ici dans de nouveaux produits, comme les colonnes numériques verticales.

Martin Poitras, président-directeur général de Rouge Media

Chaque fois, Rouge entre dans des établissements où on ne voit pas forcément d’un bon œil le déploiement publicitaire.

« Personne ne veut voir de l’affichage dans les universités, admet Martin Poitras. On comprend qu’il faut une valeur ajoutée, un service. Sous leurs écrans, il y a ainsi un espace pour charger les cellulaires. Et les écrans peuvent être utilisés pour de la promotion interne, par les services étudiants, par exemple. Cela dit, on a toujours été disciplinés dans notre déploiement. On ne s’installe jamais dans les salles de cours, mais dans les secteurs non scolaires comme les cafétérias, les résidences et les centres sportifs. »

Aujourd’hui, l’entreprise compte 50 employés aux États-Unis et 75 au pays. « Car la majorité des services administratifs sont ici. Il y a plus de sous-traitants aux États-Unis », note Martin Poitras.

Voilà un des défis de Rouge aux États-Unis, alors que l’entreprise doit maintenant garnir d’écrans 1600 campus. « Le marché là-bas fonctionne beaucoup avec des sous-traitants, explique Martin Poitras. On devient ainsi des clients. Il a fallu s’adapter à ça. Nos instructions doivent être plus claires. Avant, on était contents de tout faire nous-mêmes. »