Les boîtes noires du Boeing 737 MAX 8 qui s'est écrasé dimanche en Éthiopie vont être envoyées en Europe pour analyse au moment où s'allongeait mercredi la liste des pays et compagnies aériennes ayant interdit de vol ce nouveau modèle de l'avionneur américain.

L'écrasement, qui a fait 157 morts de 35 nationalités, est le deuxième en moins de six mois pour le Boeing 737 MAX 8. Dans des circonstances similaires, un avion du même type de la compagnie indonésienne Lion Air s'était écrasé au large de l'Indonésie, faisant 189 morts.

En Éthiopie, des proches des victimes - kényanes, chinoises, américaines et canadiennes - de ce vol qui reliait Addis Abeba à Nairobi, ont été emmenés sur le lieu de l'accident, dans un champ à 60 km à l'est de la capitale éthiopienne. L'appareil a été pulvérisé à l'impact, creusant un impressionnant cratère dans la terre.

Certains d'entre eux, parfois en pleurs, ont allumé des bougies et de l'encens ou emporté un peu de terre provenant du site, selon un photographe de l'AFP sur place. D'autres semblaient réciter des prières ou s'adresser à leurs morts.

Les boîtes noires, retrouvées lundi, vont être envoyées « en Europe », dans un pays qui n'a pas encore été choisi, a indiqué à l'AFP Asrat Begashaw, un porte-parole d'Ethiopian Airlines. L'Éthiopie ne dispose pas de l'équipement nécessaire à leur lecture.

Dans un entretien à la chaîne américaine CNN mardi soir, le PDG d'Ethiopian Airlines, Tewolde GebreMariam a soutenu que les similarités entre les catastrophes aériennes de dimanche et d'octobre sont « significatives », tout en assurant que les pilotes qui étaient aux commandes de l'appareil d'Ethiopian Airlines avaient reçu une nouvelle formation spécifique au 737 MAX 8 à la suite de l'écrasement de Lion Air.

Comme dans le cas de Lion Air, l'écrasement du Boeing d'Ethiopian Airlines a eu lieu peu de temps après le décollage et les appareils ont connu des montées et des descentes irrégulières juste après le décollage.

L'écrasement d'octobre avait braqué l'attention sur les sondes d'angle d'attaque (AOA) reliées au système de stabilisation de l'avion (MCAS). Un dysfonctionnement de ces outils peut mettre l'appareil en « piqué » au lieu de le cabrer, en raison d'une appréciation erronée que l'avion est en décrochage.

Selon une base de données anonyme de la NASA consultée par l'AFP, plusieurs pilotes américains avaient rapporté fin 2018 des incidents rencontrés aux commandes du 737 MAX 8. Certains de ces incidents semblent impliquer le MCAS, dont un datant de novembre 2018 lors duquel un copilote décrit comment l'appareil s'est mis à piquer du nez après activation du pilotage automatique.

Pression internationale

Après des interdictions en rafale de la France, du Royaume-Uni, et de l'Allemagne, notamment, l'Agence européenne de sécurité aérienne (AESA) a suspendu tous les vols des MAX 8 et des MAX 9, qu'ils soient à destination, au départ, ou à l'intérieur de l'Union européenne, que les opérateurs soient européens ou issus de pays tiers.

Avant l'Europe, l'Asie avait déclenché l'offensive contre les moyen-courriers de Boeing, avec notamment des suspensions ou interdictions de vols en Australie à Singapour et surtout en Chine, où 76 de ces appareils ont été livrés. L'Inde, l'Égypte et la Turquie, notamment, ont depuis décrété une interdiction de vol.

Une dizaine de compagnies aériennes, dont Ethiopian Airlines, ont également décidé d'immobiliser leurs 737 MAX.  

Isolés face à l'immense pression internationale, les États-Unis refusent de se rallier à cette interdiction de vol. Le 737 MAX 8, mis en service il y a moins de deux ans, est la version remotorisée du meilleur vendeur 737 ; il est la locomotive des ventes de Boeing, fleuron de l'industrie américaine.

« Jusqu'à présent notre examen du dossier ne montre aucun problème de performance et ne fournit aucune raison pour ordonner l'immobilisation de cet avion », a assuré l'agence fédérale de l'aviation américaine (FAA), faisant le gros dos dans ce dossier d'autant plus sensible pour l'exécutif américain que les Boeing font partie des négociations commerciales entre Washington et Pékin.

Inquiétudes

Jusqu'à présent, la FAA a simplement demandé des modifications portant sur des systèmes automatisés, dont le MCAS, alors que de nombreux élus américains, démocrates ou républicains, ont exhorté cette autorité à appliquer le principe de précaution.

Le Canada restait lui solidaire des États-Unis en continuant à faire voler les MAX 8 tandis que la compagnie à bas coût Norwegian Air Shuttle, qui a cloué au sol ses 18 Boeing 737 MAX 8, a affirmé qu'elle allait exiger des réparations financières auprès du constructeur américain.

L'interdiction de vol pour un avion récent est un camouflet inédit dans l'histoire de l'aviation civile. Pourtant, elle ne devrait pas perturber outre mesure le trafic aérien mondial. Quelque 370 appareils de cette famille volent dans le monde aujourd'hui. Environ 19 000 avions d'au moins 100 passagers sont en service au niveau international, tous modèles confondus, selon des données d'Airbus.

Les personnels navigants et les passagers aux États-Unis se sont eux aussi montrés inquiets, beaucoup refusant désormais d'embarquer sur cet appareil.

Les compagnies et les pays qui clouent au sol leurs Boeing 737 MAX

L'écrasement d'un Boeing 737 MAX 8 d'Ethiopian Airlines près d'Addis Abeba dimanche, un peu plus de quatre mois après un accident similaire d'un appareil de Lion Air en Indonésie, a conduit l'Union européenne et plusieurs autres pays à fermer leur espace aérien à ce modèle d'avion.

De nombreuses compagnies aériennes ont par ailleurs décidé de clouer au sol cet appareil ou d'autres de la même gamme.

Les pays qui interdisent leur espace aérien

En Europe

L'Agence européenne de sécurité aérienne (EASA) a décidé mardi de fermer l'espace aérien européen aux Boeing 737 MAX 8 qu'ils soient à destination, au départ, ou à l'intérieur de l'Union européenne, que les opérateurs soient européens ou issus de pays tiers.

Plus tôt dans la journée, l'Allemagne avait banni les 737 MAX 8 et 9 et la Pologne les 737 MAX 8 de leur espace aérien national, tandis que la France, le Royaume-Uni, l'Italie, l'Autriche, l'Irlande et les Pays-Bas avaient exclu tous les 737 MAX.

Ailleurs dans le monde

L'Égypte, la Turquie, le Vietnam, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, Singapour, les Émirats arabes unis et le Koweït ont interdit tous les Boeing 737 MAX dans leur espace aérien. La Malaisie a fait de même pour les B-737 MAX 8 et la Serbie pour les B-737 MAX 8 et 9.

Les pays qui suspendent les vols

La Chine

La Chine a suspendu les vols des Boeing 737 Max 8 jusqu'à confirmation par les autorités américaines et Boeing des « mesures prises pour garantir avec efficacité la sécurité des vols ».

Un total de 76 Boeing de la famille 737 MAX ont été livrés à une dizaine de compagnies aériennes chinoises.

L'Indonésie

L'Indonésie, dont la compagnie Lion Air a perdu un Boeing 737 MAX 8 le 29 octobre 2018 avec 189 personnes à son bord, a décidé lundi d'immobiliser sa flotte de 11 Boeing 737 MAX 8. Lion Air a annoncé mardi le report de la réception d'une commande de quatre Boeing 737 MAX.

Autres pays

Oman a suspendu les opérations des 5 Boeing 737 MAX de la compagnie nationale Oman Air, la Corée du Sud a requis l'immobilisation des deux appareils de la compagnie locale à bas prix Eastar Jet dans l'attente des résultats d'une inspection, et la Mongolie a cloué au sol l'unique 737 MAX 8 du transporteur national Mongolian Airlines.

L'Inde a annoncé mardi avoir cloué au sol sa flotte de Boeing 737 MAX. « Ces avions ne voleront pas tant que des modifications appropriées et des mesures ne seront pas prises pour assurer leur sûreté », selon le ministère de l'Aviation civile.

Les compagnies qui immobilisent leurs avions ou suspendent leurs commandes

Ethiopian Airlines, à la suite de l'accident subi par un de ses avions dimanche, a cloué au sol ses 4 Boeing 737 MAX.

Tuifly (Allemagne et Grande-Bretagne, 15 avions), flyDubai (Émirats arabes unis, 13), Gol (Brésil, 7), Aeromexico (Mexique, 6), LOT (Pologne, 5), Aerolineas Argentinas (Argentine, 5), Icelandair (Islande, 3), Comair (Afrique du Sud, 1) et Cayman Airways (Iles Caïmans, 2) ont immobilisé leurs Boeing 737 MAX 8.

Norwegian Air Shuttle (Norvège, 18 avions) et Turkish Airlines (Turquie, 12 avions) ont cloué au sol leurs Boeing 737 MAX.

Ceux qui continuent l'exploitation

Les États-Unis estiment qu'il n'y a pas de raison de clouer au sol le Boeing 737 MAX 8. « Jusqu'à présent notre examen du dossier ne montre aucun problème de performance et ne fournit aucune raison pour ordonner l'immobilisation de cet avion », a affirmé l'Agence fédérale de l'aviation (FAA) dans un communiqué, confirmant l'isolement des États-Unis par rapport au reste du monde sur cette affaire.

Les compagnies américaines Southwest (34 appareils) et American Airlines (24) ont fait savoir que les vols de leurs Boeing 737 MAX se poursuivaient pour le moment, de même que ceux de l'italienne Air Italy (3) et la russe S7 (2).