Les grandes banques canadiennes profitent de l'embellie des derniers jours sur les marchés obligataires nord-américains pour se gorger d'argent. Cet argent pourra servir à financer des acquisitions ou à multiplier leurs prêts.

Cette situation est en nette rupture avec celle des banques européennes qui hésitent à se prêter entre elles, qui éprouvent des difficultés grandissantes à se financer sur le marché obligataire et qui doivent resserrer de nouveau leurs conditions d'octroi de prêts.

Hier, la Banque de Montréal (BMO) a réussi à emprunter 900 millions de dollars par l'entremise d'un billet à taux flottant d'une durée d'un an, garanti sur des dépôts bancaires. Elle a consenti un écart de 14 centièmes sur le taux de référence pour ce type d'emprunt, le CDOR (Canadian Dealer Offered Rate), qui était fixé à 1,28%.

La semaine dernière, BMO avait aussi emprunté 900 millions grâce à un autre billet garanti sur dépôts, d'une durée de cinq ans cette fois. Le rendement consenti était de 2,96%.

Tour à tour, la Toronto-Dominion, la Royale, la Nationale et la Scotia ont émis de la dette qui a facilement trouvé preneur.

Seule la CIBC a brillé par son absence, mais c'est sans doute partie remise.

Les cinq autres ont levé 7,43 milliards en tout la semaine dernière grâce à diverses formes d'emprunt, dont 5,4 milliards sur le marché américain, selon la compilation faite par Jean-François Godin, directeur de la recherche chez Valeurs mobilières Desjardins.

«On peut attribuer ce surcroît d'activité à la fin prochaine de leur exercice financier, le 31 octobre», a-t-il indiqué dans sa note hebdomadaire.

En entrevue, il précise que les banques vont sans doute vouloir émettre de la dette subordonnée d'ici la fin de l'année, car ce type d'emprunt est assimilable à des fonds propres de deuxième rang, selon les normes internationales de Bâle III qui doivent être adoptées au Sommet du G20 à Cannes, les 3 et 4 novembre, et mises en place à partir de 2013.

Le Canada peut souffler

La relative facilité d'emprunt des banques canadiennes profite aux entreprises et aux ménages canadiens. L'Enquête trimestrielle de la Banque du Canada auprès des responsables du crédit montre que les conditions quantitatives (taux) et qualitatives (garanties, enquête) de prêts s'étaient de nouveau assouplies au troisième trimestre.

On ne peut en dire autant des conditions observées en Europe, où les banques viennent de resserrer les conditions alors qu'elles ne les avaient jamais assouplies depuis la fin de la récession. Elles sont en position difficile parce qu'elles possèdent une bonne partie de la dette souveraine de certains pays en difficulté, ce qui menace leur capitalisation en cas de défaut. Elles sont en outre très sous-capitalisées selon les normes de Bâle III.

L'exposition des banques canadiennes à la dette combinée de quelque 2500 milliards de l'Espagne, la Grèce, l'Italie, l'Irlande et le Portugal s'élève à peine à 15 milliards, comparativement à 672 milliards pour les banques françaises et 522 milliards pour les allemandes. C'est ce qui explique en bonne partie la mise sous surveillance de la note de crédit Aaa de la France par Moody's qui va gonfler ses coûts d'emprunt et ceux de ses banques.

Les banques canadiennes ont toujours la cote auprès des investisseurs canadiens et américains. Les étrangers d'autres latitudes prisent davantage la dette des provinces que celle des sociétés canadiennes, dans le contexte présent encore marqué par une grande aversion au risque.

Ainsi, l'Ontario a pu lever 1 milliard hier après avoir emprunté 750 millions la semaine dernière.

Le Québec a emprunté 300 millions. À mi-chemin de son année financière, le Québec a complété 68% de ses besoins d'emprunt.