Le ministre des Finances sortant, Carlos Leitão, et le candidat économique Youri Chassin, de la Coalition avenir Québec (CAQ), ont dû essuyer les plus importantes salves, hier, dans le cadre d'un débat à saveur économique organisé par la Chambre de commerce du Montréal métropolitain et TVA. Alors que le premier devait défendre son bilan, le deuxième a peiné à expliquer certaines absences du cadre financier de son parti.

THÈME 1 

ÉCONOMIE ET FISCALITÉ

D'entrée de jeu, le modérateur Mario Dumont a soulevé des enjeux chers à la CAQ, soit le plus faible revenu disponible par habitant et les taux d'imposition plus élevés du Québec par rapport à ses voisins, ce qui lui a valu l'approbation du candidat caquiste Youri Chassin.

« Si on utilise cet indicateur, a rétorqué Carlos Leitão en parlant du revenu disponible par habitant, ce serait le Yukon qui aurait le meilleur niveau de vie au Canada. »

Sans surprise, le ministre actuel des Finances a ensuite été pris pour cible par ses opposants. Youri Chassin et Nicolas Marceau, du Parti québécois (PQ), lui ont par exemple rapidement reproché ses coupes en éducation.

Simon Tremblay-Pepin, de Québec solidaire, a de son côté remis en question le cadre budgétaire que doit déposer le Parti libéral aujourd'hui en rappelant que celui déposé avant les élections de 2014 avait surestimé les revenus du gouvernement de 4 milliards de dollars. Il a aussi, par deux fois, accusé M. Marceau d'avoir été à l'origine du régime d'austérité lors de son passage comme ministre des Finances.

M. Marceau a été le premier à s'en prendre au cadre financier de la CAQ. Le Parti québécois et le Parti libéral ne doivent dévoiler le leur que demain et aujourd'hui, respectivement, ce qui empêchait leurs rivaux de s'y attaquer.

« Bien sûr, il y a du gaspillage, bien sûr, il faut faire la lutte au gaspillage, mais de prétendre en regardant les Québécois dans les yeux que vous allez économiser 1,5 milliard, ce n'est pas crédible », a lancé M. Marceau en direction de M. Chassin.

THÈME 2 

IMMIGRATION

Encore une fois attaqué sur le bilan de son gouvernement, M. Leitão a rappelé que 94 % des Québécois sont capables de soutenir une conversation en français et que la langue est un critère important lorsque le Québec choisit ses immigrants, ce qui exclut notamment les cas de réunification familiale et de réfugiés. Le taux d'emploi des immigrants a aussi progressé depuis 2014, a-t-il fait valoir, porté par la bonne santé de l'économie québécoise en général.

Cela n'a pas ému M. Marceau, selon qui il faudrait exiger la connaissance du français avant même l'arrivée au Québec et intégrer à la grille de sélection des points additionnels pour les immigrants désireux de s'installer en région.

« On dirait que vous ne reconnaissez pas qu'il y a des difficultés d'intégration », a pour sa part répondu M. Chassin au ministre sortant. La CAQ veut réduire le nombre d'immigrants accueillis chaque année tout en conservant le même budget, de façon à accorder plus de ressources à chacun.

Quant à M. Tremblay-Pepin, il a rappelé que le gouvernement libéral n'avait pas apporté une contribution suffisante en n'embauchant pas suffisamment d'immigrants dans la fonction publique.

« Même quand il fait des nominations, il ne choisit pas des personnes immigrantes, ce sont seulement 3 % de ses nominations », a-t-il indiqué.

Québec solidaire souhaite imposer un quota de 25 % des embauches provenant des minorités visibles « pour qu'on atteigne le seuil de 13 % qui est l'objectif de tout le monde depuis des années, mais qu'on n'atteint pas ».

THÈME 3 

MAIN-D'OEUVRE

Très rapidement, cette portion du débat s'est concentrée sur l'éducation et les réductions de service dans ce domaine ayant découlé des budgets libéraux de début de mandat. Selon Nicolas Marceau, le PQ adopterait une loi « bouclier » pour protéger l'éducation des coupes. Une mauvaise idée selon M. Leitão, puisqu'avec une telle loi, « on perd le contrôle des budgets publics ».

Le taux de diplomation, depuis 10 ans, « stagne à 64 %, 20 points derrière l'Ontario », a accusé M. Chassin, avant d'avancer les suggestions de son parti : une heure de plus par jour au secondaire pour l'aide aux devoirs et des activités culturelles et sportives, ainsi que la mise en place de classes de maternelle à 4 ans.

La proposition actuelle de la CAQ sur la maternelle est inapplicable, a répondu M. Leitão, en raison du manque de classes et de personnel disponibles. Les libéraux misent sur une introduction progressive.

Une portion du débat portant sur le piteux état des écoles a permis de lever le voile sur d'importantes absences dans le cadre financier de la CAQ. Ces rénovations sont prioritaires, selon M. Chassin, et elles feront partie du Programme québécois d'infrastructures, mais l'affectation des sommes au sein de celui-ci n'a pas été publié par la CAQ, ce qui laisse planer des doutes sur la faisabilité de l'ensemble des promesses qui s'y trouvent.

Une partie de la solution aux problèmes de main-d'oeuvre passe par le maintien ou le retour au travail des aînés, se sont accordés pour dire les candidats, même si leurs méthodes diffèrent.

Québec solidaire voudrait hausser le salaire minimum pour les motiver, les libéraux proposent des incitatifs fiscaux et le Parti québécois suggère de permettre aux travailleurs de 65 ans et plus de cesser de cotiser à la Régie des rentes, ce qui augmenterait leur salaire net de 5,4 %.

THÈME 4 

INFRASTRUCTURES

Premier à prendre la parole, le ministre Leitão a rappelé une promesse libérale de porter de 100 à 110 milliards sur 10 ans le Programme québécois d'infrastructures, « en priorisant l'éducation et la santé ». Il était déjà passé de 88 à 100 milliards lors du mandat qui s'achève.

« Vous réussissez à parler d'infrastructures sans parler de changements climatiques, c'est formidable, s'est exclamé M. Tremblay-Pepin. Le transport collectif, c'est 9 milliards dans votre plan, contre 20 milliards pour les routes. C'est ça votre logique dans la lutte contre les changements climatiques, c'est une piastre pour les chars et 50 cennes pour l'autobus ? »

« Je suis plutôt d'avis, comme M. Tremblay-Pepin, que le transport collectif a été négligé et qu'il est temps de faire de grands investissements de ce côté-là. »

La proportion du plan d'infrastructures consacrée au transport collectif passerait de 34 % à 40 % avec un gouvernement péquiste, a-t-il ajouté, après avoir précisé que les rénovations d'école constitueraient la priorité du programme.

Le Réseau express métropolitain (REM), a poursuivi M. Marceau, « est un projet qui coûte cher et accomplit peu », en retirant peu de voitures des routes et n'aidant pas, par exemple, les citoyens de Terrebonne ou de Boucherville.

M. Chassin s'est montré le candidat le plus ouvert aux nouvelles voies routières et le moins disposé à financer la ligne rose « trop coûteuse » demandée par la mairesse de Montréal. La CAQ promet des améliorations ou des prolongements pour les autoroutes 13, 15, 19 et 30 dans la région de Montréal, en plus du troisième lien à Québec. Encore là, toutefois, l'absence de précisions sur la provenance des fonds nécessaires à ces projets dans le cadre financier dévoilé par la CAQ a été relevée par ses opposants.

MM. Leitão, Marceau et Chassin se sont tous dits prêts à évaluer un projet de stade de baseball à Montréal, mais pas M. Tremblay-Pépin, qui s'est néanmoins rallié au groupe au moment d'approuver les travaux de rénovation du toit du Stade olympique.