Le projet du gouvernement Couillard de simplifier la vente d'alcools artisanaux du Québec constitue un danger pour la santé publique.

C'est le cri d'alarme que lance l'organisme Éduc'alcool, à la veille du début des audiences sur le projet de loi 88. Cette législation vise à déréglementer la vente des produits alcoolisés artisanaux québécois. Le mémoire préparé par l'organisme, obtenu par La Presse Canadienne, soutient que c'est un «choix préoccupant et hasardeux».

Ainsi, des alcools tirant à un maximum de 16 pour cent, comme l'hydromel, des vins artisanaux ou des boissons à base de sirop d'érable, pourraient être vendus par des épiciers, sans qu'il y ait de prix minimum obligatoire, contrairement à la bière, par exemple.

Selon le président d'Éduc'Alcool, Hubert Sacy, ce projet de loi va banaliser la consommation l'alcool. «Ça va faire de l'alcool un banal produit moins réglementé que le lait», a-t-il déploré dans une entrevue avec La Presse Canadienne, mercredi.

Les marchands pourraient utiliser ces alcools comme «produit d'appel» pour attirer des clients et faire des promotions, ce qui équivaut à du dumping, craint M. Sacy, à l'instar de ce que certains commerçants font avec la bière, qui est pourtant réglementée.

«Lorsqu'on vend un prix, qui est plus sensible à ça? Les jeunes, les personnes les plus dépendantes et les plus vulnérables. Il y a une tonne d'études qui font un lien direct de cause à effet: les prix d'alcool réduits contribuent à augmenter la consommation et les méfaits connexes.»

Aux yeux de M. Sacy, c'est un danger réel pour la santé publique, et il déplore que cet enjeu n'ait pas été abordé par les acteurs dans ce dossier. «On court après les problèmes. Je ne dis pas que tous les Québécois vont mourir demain matin, mais c'est clair, ça peut devenir un très gros problème de santé publique.»

Selon lui, il aurait fallu plutôt faire comme pour le vin et confier ces produits à la Société des alcools du Québec, qui aurait pu mieux contrôler leur mise en marché. La SAQ fixe des prix et limite ainsi la marge de manoeuvre des détaillants.

Le président d'Éduc'Alcool redoute par ailleurs que le projet de loi 88 crée une «brèche» dans l'encadrement réglementaire des boissons alcooliques.

Certes, on plaide qu'il s'agit actuellement de petits producteurs, mais qu'est-ce qui va empêcher, un jour ou l'autre, les entreprises qui élaborent ou embouteillent le vin au Québec, même sans un pourcentage majeur de produits québécois, ou encore celles qui distillent et produisent leurs spiritueux au Québec ou ailleurs, de demander un traitement égal à celui accordé aux producteurs artisanaux?, peut-on lire dans le mémoire.

«À partir du moment où on accorde quelque chose qui est perçu comme un privilège, quelqu'un va demander: si tu le fais pour lui, tu le fais pour moi. On ouvre une brèche dans un barrage, et quand il y a une brèche dans un barrage, tranquillement l'eau se met dedans, et à un moment donné tout va s'engouffrer.»

Les consultations sur le projet de loi 88 s'amorceront jeudi à l'Assemblée nationale, notamment avec l'Association des vignerons du Québec, l'Association des viniculteurs négociants, l'Association des microdistilleries, l'Association des cidriculteurs artisans et l'Association des distilleries artisanales.