Bombardier Aéronautique demande au gouvernement du Québec de soustraire 1568 employés de plus à la loi 101 pour leur permettre de fonctionner en anglais au travail, a appris La Presse.

L'entreprise dispose d'une entente particulière avec l'Office québécois de la langue française (OQLF), renouvelable tous les cinq ans. L'entente permet notamment aux employés de son siège social de Dorval d'utiliser l'anglais comme langue de fonctionnement. La dernière entente date de 2006 et est en voie d'être renouvelée.

La semaine dernière, l'OQLF nous a indiqué que l'entente de 2006 porte précisément sur 2454 employés. De son côté, Bombardier Aéronautique nous a dit que la demande de renouvellement présentée cet automne englobe 4022 employés. Autrement dit, l'entreprise veut ajouter 1568 employés dans sa «zone franche».

L'entente particulière originale de Bombardier date de 1981. Pour en bénéficier, Bombardier a soutenu que ses employés doivent communiquer en anglais avec les nombreux clients, usines et fournisseurs internationaux, notamment en Irlande du Nord, au Mexique et aux États-Unis. Environ 95% des ventes de Bombardier se font à l'extérieur.

Critères

L'OQLF applique une série de critères pour vérifier si une entreprise peut obtenir cette «zone franche» et pour combien d'employés. Vendredi, l'OQLF n'a pas voulu commenter les discussions avec Bombardier. «Pour le moment, l'entente est en révision et n'est pas approuvée. Les critères qui seront appliqués sont les mêmes que pour l'entente précédente», a expliqué le porte-parole, Martin Bergeron.

De son côté, Bombardier Aéronautique fait valoir que l'élargissement de l'entente s'explique par le nouveau Centre de développement de produits de l'entreprise. Ce centre met au point de nouveaux produits (CSeries, Learjet 85, etc.) avec des employés spécialisés.

«On a concentré nos ressources d'ingénierie de nouveaux produits à un seul endroit, à Saint-Laurent. Les employés y travaillent avec des ingénieurs de partout dans le monde», explique Sylvie Gauthier, porte-parole de Bombardier Aéronautique.

L'entente permet aux anglophones de fonctionner en anglais, mais dans les faits, elle oblige aussi les francophones à n'utiliser que la langue de Shakespeare, les premiers étant souvent unilingues.

Plaintes d'employés

Des employés s'en sont plaints à La Presse. «Dans mon département, on fait des staff meetings et des stand-up meetings pour vérifier s'il y a des issues avec le Stress Level», nous a raconté un employé, selon qui la direction n'a pas informé les employés concernés qu'ils faisaient partie de la «zone franche».

La semaine dernière, La Presse a écrit que Bombardier Aéronautique n'a toujours pas son certificat de francisation de l'OQLF bien qu'elle ait amorcé son programme de francisation en 1981, il y a 30 ans. Le gouvernement n'accorde pas de subventions ou de contrats aux entreprises qui n'ont pas leur certificat, à moins que l'OQLF constate que leurs démarches progressent.

Or, cette progression semble avoir été mince depuis 30 ans chez Bombardier Aéronautique. Selon un document interne de l'entreprise, la connaissance fonctionnelle du français n'est un critère d'embauche que depuis 2010. De plus, les logiciels, comme le système d'exploitation Windows, sont offerts en français depuis seulement deux ans sur les postes de travail, indique le document.

Les efforts récents de Bombardier surviennent quelque temps après que l'entreprise eut demandé au gouvernement du Québec de lui prêter 118 millions de dollars à des conditions avantageuses pour l'assemblage du nouveau modèle d'avion CSeries. Le prêt a été accordé en 2008.

L'entente pour la «zone franche» a été négociée en vertu de l'article 144 de la loi 101. Cet article stipule: «L'application des programmes de francisation à l'intérieur des sièges sociaux et des centres de recherche peut faire l'objet d'ententes particulières avec l'Office afin de permettre l'utilisation d'une autre langue que le français comme langue de fonctionnement.

«Le gouvernement détermine, par règlement, dans quels cas, dans quelles conditions et suivant quelles modalités un siège social et un centre de recherche peuvent bénéficier d'une telle entente.»