Même si le milieu des affaires montréalais ne réclamait pas à tout prix la tenue d'une commission d'enquête sur l'industrie de la construction, Michel Leblanc, président de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM), accueille favorablement la décision du premier ministre Charest d'aller finalement de l'avant avec une commission publique qui sera dotée de pleins pouvoirs d'enquête.

Depuis que les allégations de corruption entourant l'octroi de contrats gouvernementaux dans le secteur de la construction se sont faites plus insistantes et que la preuve de l'existence de stratagèmes collusoires bien définis a été bien documentée par les médias, la CCMM n'a cessé d'encourager le gouvernement Charest à faire la lumière sur ces allégations, rappelle M. Leblanc.

«On était favorable à la mise sur pied d'escouades anticollusion et à une enquête policière qui allaient permettre de mettre un terme à ces pratiques et à traîner les coupables devant les tribunaux», explique Michel Leblanc.

«On n'avait pas d'a priori comme tel en faveur d'une commission d'enquête. Mais maintenant que les experts ont fait comprendre au gouvernement que ça prend une commission d'enquête publique avec pleins pouvoirs (notamment d'assigner des témoins et de leur assurer l'immunité), on est tout à fait d'accord avec ça», précise le porte-parole des gens d'affaires montréalais.

Jacques Ménard, président de BMO Groupe financier, Québec, abonde dans le même sens.

«La Commission d'enquête avec pleins pouvoirs va permettre d'aller au fond des choses, d'identifier les fautifs et d'apporter les correctifs dans la gouvernance des institutions publiques québécoises.

«Il est temps de mettre fin au cynisme. Ce n'est pas vrai que tous les élus à Québec et que tous les maires sont croches. C'est pas vrai qu'il y a des Mexico City partout au Québec. La juge Charbonneau a démontré dans le passé qu'elle allait au fond des choses. J'ai confiance en elle.»

Une contagion malsaine

Selon Michel Leblanc, depuis deux ans maintenant, beaucoup d'entreprises légitimes - et non seulement celles qui travaillent dans les secteurs de la construction et de l'ingénierie - souffrent du climat de suspicion généralisée que les allégations de corruption ont disséminé dans l'opinion publique.

«On est une société de bâtisseurs, mais ce n'est pas le signal que l'on envoie présentement ailleurs dans le monde», souligne-t-il.

Pierre Shoiry, président de Genivar, a goûté brutalement à cette contamination de l'image du monde des affaires québécois à l'extérieur du Québec, il y a trois semaines à Toronto.

«J'étais à une table avec des financiers torontois, dont le représentant d'une importante caisse de retraite ontarienne. À un moment, ce gestionnaire s'est plaint de la lenteur que rencontrait un de ses projets qui était examiné par l'Autorité des marchés financiers», dit M. Shoiry.

«Tu as juste à apporter une valise pleine d'argent et ton projet va débloquer», a laissé tomber un des participants au déjeuner.

«On ne parlait pas de construction. On parlait de finances et dans la tête du gars, c'était bien simple, on est tous corrompus au Québec», relate sur le ton de l'exaspération Pierre Shoiry.