Connaissez-vous l'indice Pinocchio?

La marionnette vivante imaginée par Carlo Collodi donne son nom à une mesure de l'écart entre les prévisions budgétaires de dépenses d'Ottawa et des provinces et les dépenses réellement effectuées d'après les chiffres des comptes courants.

Mis au point par l'Institut C. D. Howe, l'indice Pinochio compile ces écarts sur une période de 10 ans et les expriment en pourcentage des projections de dépenses budgétaires de la dernière année de la période mesurée.

Mis au point il y a cinq ans, il mesure cette année la décennie fiscale qui s'étend de l'exercice 2000-2001 à celui de 2009-2010.

Durant cette période, l'écart entre dépenses projetées et réalisées dans les budgets fédéraux et provinciaux totalise la bagatelle de 82 milliards, ont calculé Colin Busby et William Robson, respectivement analyste principal et pdg de l'Institut.

«Ce montant équivaut à 14% des dépenses totales courantes de l'année en cours et correspond à peu près à la somme des déficits budgétaires projetés en 2011-2012», écrivent-ils.

Si le Canada est entré dans le marasme de 2009 en meilleure position fiscale que la plupart des pays, ajoutent-ils, il aurait été encore mieux pourvu si les gouvernements avaient mieux respecté leurs projections budgétaires.

L'indice Pinocchio montre que l'écart le plus élevé est la Saskatchewan avec un nez allongé de près de 30%, suivi de l'Alberta (27%).

Le Québec a un nez de 16%, Ottawa de 13%.

En fait, calculent les auteurs, seul Terre-Neuve et Labrador (TN-L) a surestimé ses dépenses puisqu'il a réalisé des économies de plus de 300 millions durant la même période.

L'étude fait aussi ressortir que s'en tenir à l'indice Pinocchio ne donne pas une vision exacte de l'efficacité des prévisions budgétaires au fil des ans.

On peut ainsi s'être trompés dans ses projections tant à la hausse qu'à la baisse mais, avec un peu de chance, la somme des mauvais coups donne un résultat dans le mille.

C'est précisément ce qui est arrivé dans le cas de TN-L dont les prévisions annuelles ont plusieurs fois été surévaluées et sous-évaluées de plus de 4%.

Le gouvernement qui, année après année, a collé de plus près à ses prévisions de dépenses, c'est Québec, notent les auteurs. Mis à part 2009-2010 où un écart considérable de 7,5% est constaté, la différence entre prévision et réalité a toujours été inférieure à 2,4%, signe que les gouvernements (péquiste jusqu'en 2002-2003, libéral par la suite) ont presque toujours maîtrisé leurs dépenses.

Ce n'est pas le cas de TN-L, qui se classe 7e sur 14 (10 provinces, 3 territoires et le fédéral), ni d'Ottawa qui arrive 9e.

Les auteurs analysent aussi la colonne des revenus et tirent une conclusion générale: «Les gouvernements canadiens paraissent rétrospectivement prudents dans leurs projections de revenus budgétaires.»

À l'exception de l'Ontario qui a surestimé ses revenus, ils ont sous-estimé en moyenne de 4% leurs rentrées fiscales.

En analysant année sur année, Québec talonne Fredericton au classement des prévisions de revenus les plus près des rentrées de fonds réelles.

Les auteurs sont allés plus loin encore en distinguant la qualité des éléments de surprise susceptibles de modifier des rentrées de fonds inattendues. Des variations des prix de l'énergie ont modifié considérablement les recettes fiscales de provinces comme la Saskatchewan ou l'Alberta certaines années.

Il se peut aussi, déplorent les auteurs, que certains gouvernements aient délibérément sous-estimé leurs recettes de manière à annoncer une heureuse surprise en cours d'exercice. On soupçonne que c'est ce qu'a souventes fois fait Québec.

Les auteurs plaident pour plus de transparence encore dans la présentation des comptes courants. Ils citent en exemple à cet égard Ottawa et Queen's Park.

Tout en rappelant que les finances publiques canadiennes sont parmi les mieux gérées des économies avancées, MM. Busby et Robson estiment que «les Canadiens peuvent légitimement exiger davantage».