À la fin de leur quarantaine, les trois fondateurs de lg2 voulaient assurer la relève de leur agence de publicité. Ils ont planifié un transfert d'actionnariat sur une décennie. L'officialisation du changement de pouvoir a lieu aujourd'hui même.

Comme d'autres agences de pub indépendantes, la québécoise lg2 a été un objet de désir pour des réseaux d'agences internationales. « Chaque fois, on nous parlait rapidement d'argent, note Sylvain Labarre, cofondateur de l'entreprise qui célèbre cette année ses 25 ans. C'est le produit et les employés qui importaient pour nous, mais pas forcément pour ceux qui nous approchaient. On a laissé tomber après deux ou trois rencontres... »

Comment alors assurer la pérennité d'une PME évoluant dans une industrie qui voit les budgets marketing des clients redirigés de plus en plus vers Toronto ? lg2 a décidé que celle-ci passerait par ses employés et par un processus d'une décennie afin de trouver parmi eux les meilleurs associés. « On a établi des critères d'âge minimum, de talent et de complémentarité, explique Sylvain Labarre. Les éventuels associés ciblés devaient avoir au moins deux ans d'ancienneté et le produit créatif devait être mis de l'avant. »

Les dirigeants en ont identifié 19 au fil des ans dans les cinq divisions de l'entreprise aux 230 employés (lg2 Montréal, Québec, Toronto, lg2boutique et lg2fabrique). « Parfois, on s'est trompé et on s'est réajusté, avoue Sylvain Labarre. En travaillant deux ans avec une personne, on apprend à la connaître. »

Les cofondateurs se sont laissé du temps pour réfléchir et agir. « Les premiers facteurs de l'échec d'un transfert d'entreprise sont les manques de planification pertinente et de saine communication », affirme Robert Lafond, président de Lafond + Associés, qui a épaulé lg2.

Car le transfert d'une entreprise comprend évidemment son lot de risques. « Notamment la cohabitation intergénérationnelle, la composition de la nouvelle équipe et le fait d'être condamnée à croître, car il doit y avoir de l'argent pour les repreneurs et les cédants », énumère Robert Lafond.

Dès la désignation des repreneurs potentiels, lg2 a connu une croissance notable motivée par le sentiment d'appartenance élevé des gens impliqués dans le transfert. 

« Ce fut stimulant, car on voulait être nos propres patrons pour avoir le contrôle sur notre destinée. » - Mathieu Roy, associé, président de lg2 Montréal

Cela dit, l'argent, comme tel, n'était pas au centre de la transition. Les associés n'ont pas usé de leurs avoirs personnels pour tenir les rênes de l'agence. « On a créé une entreprise parallèle [lg2345] pour les associés à qui on a vendu un pourcentage des actions de l'organisation, financé par Desjardins avec un prêt équivalent. C'est la compagnie qui a endossé, explique Sylvain Labarre. À coups de tranches de 10 %, les associés ont acheté progressivement l'entreprise et la relève a remboursé le prêt bancaire avec les profits générés par lg2. C'est un modèle qui prend plus de temps, mais la patience est récompensée. »

Désormais, Sylvain Labarre est président du conseil de lg2. Laisse-t-il les repreneurs prendre des décisions sans intervenir ? Et si ceux-ci décidaient de vendre l'entreprise à un grand réseau ? « Ils sont maîtres de leurs décisions, répond-il. Mais ils auront une dispendieuse pénalité s'ils vendent à un réseau d'ici dix ans. »

« Parfois, nos méthodes diffèrent de celles des cofondateurs, mais tout se passe bien, jure Mathieu Roy. On veut préserver la culture de lg2. En tant que président du C.A., Sylvain doit s'assurer qu'on livre aux plans quantitatif et qualitatif. On est imputables, mais on a une grande autonomie. »