Le ministre britannique des Finances Philip Hammond a présenté mercredi un budget a minima, contraint par la menace d'un Brexit sans accord qui fait trembler les milieux d'affaires.  

« Un nuage d'incertitude plane au-dessus de notre économie », a constaté le chancelier de l'Échiquier à la mi-journée devant une Chambre des communes surchauffée par une série de votes parlementaires cruciaux sur le Brexit toute cette semaine. « Quitter l'UE sans accord entraînerait de sérieuses perturbations à court et moyen terme, et une économie un peu moins prospère sur le long terme », a-t-il prévenu.  

Surnommé « Phil le Comptable », l'austère et longiligne M. Hammond a fait honneur à sa réputation en présentant un point d'étape budgétaire des plus sobres. Tant sur la forme - une intervention réduite à 35 minutes - que sur le fond - avec peu de dépenses clinquantes.

Le contexte est, il est vrai, des plus incertains. Après avoir de nouveau rejeté mardi l'accord de sortie de l'UE présenté par la première ministre Theresa May, les députés votent mercredi soir sur l'opportunité de sortir de l'Union le 29 mars sans accord. S'ils rejettent comme prévu cette solution abrupte, ils se prononceront jeudi sur un report du Brexit qui semble actuellement l'option la plus probable.

Même si un Brexit sans accord était écarté dans l'immédiat par les députés, le flou risque de se prolonger, une mauvaise nouvelle pour l'économie britannique et les recettes du Trésor.

Face à la prolongation de ces inconnues douloureuses pour les entreprises et à une conjoncture mondiale moins porteuse, l'institut officiel OBR a réduit sa prévision de croissance pour 2019, à 1,2 % contre 1,6 % -tout en maintenant à 1,4 % celle de 2020.

Le déficit public devrait néanmoins rester contenu à 1,2 % du Produit intérieur brut lors de l'exercice budgétaire 2018-2019 et à 1,4 % en 2019-2020-mêmes si ces prévisions sont à prendre avec des pincettes face aux incertitudes autour du Brexit.

M. Hammond s'est donc contenté du minimum lors de sa déclaration, point d'étape des comptes publics après le budget proprement dit présenté à l'automne. Parmi les quelques nouvelles mesures distillées, il a accordé 100 millions de livres supplémentaires à la police pour lutter contre une série d'attaques au couteau dans le pays et un fonds de garantie de 3 milliards de livres pour soutenir la construction de maisons à prix abordable.  

L'opposition a fustigé quant à elle la position de M. Hammond consistant à ne pas relâcher l'austérité tant que le flou règne sur le Brexit.

John McDonnell, un responsable du parti travailliste, a accusé M. Hammond de « complaisance » concernant l'austérité et d'« incompétence dans la gestion du Brexit ».

Lassitude

Contrairement à l'usage, cet événement budgétaire n'a pas focalisé l'attention des milieux d'affaires ou des marchés, qui attendaient surtout le vote dans la soirée des députés sur l'opportunité de sortir de l'UE sans accord.  

« Il s'agirait d'un coup de massue pour notre économie », a averti solennellement la patronne des patrons Carolyn Fairbairn sur la BBC.  

Plus tôt dans la journée, le gouvernement a pourtant publié une série de mesures qui s'appliqueraient pour atténuer les conséquences d'une sortie abrupte : Londres réduirait notamment ses droits de douane qui ne concerneraient plus que 13 % des produits importés.  

Mais ces mesures sont loin de rassurer. « Nous sommes au bord du précipice », a prévenu la cheffe politique de la City de Londres, Catherine McGuinness, tandis que le directeur général du lobby de l'industrie automobile SMMT, Mike Hawes, jugeait qu'un Brexit sans accord aurait « un effet dévastateur » même avec ces diachylons.  

Les économistes et la Banque d'Angleterre ont averti des sévères conséquences d'un Brexit sans accord pour la croissance. Des complications administratives pourraient entraîner des queues monstres dans les ports de marchandises.  

Les marchés semblaient en revanche moins angoissés que les entreprises avant le vote de mercredi soir. La livre sterling tenait bon et montait nettement face au dollar et à l'euro mercredi après-midi.