Le billet de 500 euros, montré du doigt pour son rôle dans le financement du terrorisme, pourrait disparaître, les dirigeants européens ayant appelé vendredi la BCE à décider de son sort.

Il est « plus utilisé pour dissimuler que pour acheter », a lancé le ministre français des Finances, Michel Sapin, devant des journalistes à Bruxelles, où il participait à une réunion avec ses 27 homologues de l'UE.

La plus grosse coupure de la monnaie unique sert « plus à faciliter des transactions qui ne sont pas honnêtes qu'à permettre à vous et moi d'acheter de quoi se nourrir », a encore argué M. Sapin.

À l'issue de cette réunion, les 28 ministres des Finances de l'UE, qui ont salué le « plan d'action » de la Commission européenne contre le financement du terrorisme présenté le 2 février dernier, ont demandé à la BCE de prendre une décision sur son maintien ou sa disparition.

Le plan d'action antiterroriste avait été ardemment réclamé par la France après la vague d'attentats qui a frappé Paris en 2015.

Vendredi, les ministres ont « appelé la Commission à explorer les restrictions appropriées sur les paiements en espèce qui excèdent certains seuils et à engager avec la Banque centrale européenne une réflexion sur des mesures concernant les billets de forte valeur, en particulier ceux de 500 euros, prenant en compte les analyses d'Europol ».

Ces coupures de couleur mauve, qui représentent seulement 3 % du nombre de billets en euros en circulation, mais 28 % de leur valeur cumulée selon les statistiques de la BCE, permettent de transporter discrètement d'énormes montants.

Le billet mauve

Le directeur de l'Office européen de lutte antifraude (OLAF), l'Italien Giovanni Kessler, qui enquêtait auparavant en tant que procureur sur la mafia dans son pays, s'est récemment prononcé en faveur de son retrait.

Vendredi à Bruxelles, le ministre espagnol de l'Économie, Luis de Guindos, a lui aussi plaidé pour sa supression: « Il serait nécessaire de retirer le billet de 500 euros dans le cadre de notre engagement contre le blanchiment de l'argent sale et la lutte contre le terrorisme ».

Son confrère allemand, Wolfgang Schäuble, ne s'est pas prononcé sur l'utilité ou non de retirer le « billet mauve » de la circulation, renvoyant la décision à la BCE. « C'est à la Banque centrale de décider et je ne commente pas ces décisions », a-t-il simplement commenté.

Au moment de la naissance de l'euro - les pièces et les billets sont apparus le 1er janvier 2002 -, c'est sous la pression, entre autres, de l'Allemagne, très attachée aux espèces et qui avait auparavant une coupure de 1000 deutschmarks de valeur à peu près équivalente, qu'avait été créée la coupure de 500 euros.

Mais d'autres pays, comme la France, y étaient hostiles: son plus gros billet alors était celui de 500 francs, soit la somme relativement modique de 76 euros.

Dans un entretien au quotidien Le Parisien jeudi, Benoît Coeuré, membre du directoire de la BCE, avait déclaré que son institution allait « prochainement » prendre une décision sur une éventuelle suppression de la coupure.

« Les autorités compétentes soupçonnent de plus en plus qu'ils soient utilisés à des fins illicites, un argument que nous ne pouvons plus ignorer », avait-il reconnu.

« De mon point de vue, les arguments en faveur du maintien du billet de 500 euros sont de moins en moins convaincants », a confié M. Coeuré.

Mais la décision finale appartiendra au conseil des gouverneurs de la BCE, qui réunit les six membres du directoire et les 19 gouverneurs des banques centrales nationales.

Pour la BCE, la suppression du billet de 500 euros aurait un effet secondaire bénéfique, font valoir certains commentateurs.

En limitant la possibilité de thésauriser de larges sommes sur de petits espaces, elle pourrait stimuler la circulation de l'argent en zone euro, et donner un coup de pouce à la dynamique des prix, atone, que l'institution s'efforce par tous les moyens de faire repartir.