L'Ukraine a annoncé jeudi avoir trouvé avec ses créanciers au terme de cinq mois de difficiles négociations un accord «historique» sur la restructuration de la dette du pays, ravagé par la guerre et la crise économique.

L'accord, qui écarte la menace d'un défaut de paiement prévoit l'effacement de 20% de la dette, soit environ 3,6 milliards de dollars, ainsi qu'une légère hausse du taux d'intérêt, 7,75% contre une moyenne de 7,2% actuellement.

Il permet également un allongement de quatre ans de la période de remboursement, ont annoncé le premier ministre ukrainien, Arseni Iatseniouk, et sa ministre des Finances, Natalie Jaresko, lors du Conseil des ministres jeudi.

«C'est un succès historique pour l'Ukraine et pour les marchés émergents en général», a déclaré dans une interview jeudi à l'aube à l'AFP Mme Jaresko, une Américaine naturalisée ukrainienne, quelques heures avant l'annonce officielle de l'accord.

Elle avait mené pendant cinq mois des négociations avec le fonds Franklin Templeton et trois autres institutions financières américaines, qui détiennent deux tiers, soit 8,9 milliards de dollars, de la dette publique ukrainienne.

La semaine dernière, ces créanciers avaient rejeté la proposition de Kiev d'un effacement de 40% de sa dette. Ils ne proposaient en échange qu'un allègement de 5% à 10% soumis à de strictes conditions.

Conditions sans précédent

«Le défaut de paiement tant attendu par nos ennemis n'a pas eu lieu», a lancé le premier ministre dans une claire allusion à la Russie en ouvrant le Conseil des ministres au cours duquel l'accord a été annoncé.

Il a souligné que les conditions d'effacement obtenues par la ministre ukrainienne des Finances étaient sans précédent. «Aucun pays qui ne s'est pas déclaré en défaut de paiement n'a obtenu de telles conditions», s'est félicité M. Iatseniouk en précisant que le niveau moyen d'effacement pour ces pays était de «10%».

Le chef du gouvernement a par ailleurs prévenu que l'accord trouvé avec les créanciers occidentaux mettait l'Ukraine en position de force face à la Russie. «L'Ukraine déclare officiellement que la Russie n'obtiendra jamais de meilleures conditions que les autres créanciers», a-t-il lancé.

Le ministre russe des Finances Anton Silouanov avait à l'avance prévenu que la Russie ne participerait pas à la restructuration de la dette ukrainienne et attendait le remboursement de 3 milliards de dollars le 20 décembre.

Un allègement du fardeau de la dette permet à l'Ukraine, ravagée par une grave crise économique et par un meurtrier conflit avec les rebelles prorusses qui a fait plus de 6800 morts dans l'Est industriel, d'éviter un défaut de paiement et de respecter les conditions posées par le Fonds monétaire international pour la poursuite de son aide financière à Kiev.

Cet accord permet à Kiev d'économiser 11,1 milliards de dollars sur quatre ans. Un tel effort est demandé dans le cadre du plan d'aide de 40 milliards de dollars apporté à l'Ukraine par ses alliés occidentaux avec le FMI en tête.

«Je suis extrêmement heureuse» du compromis, a souligné Mme Jaresko à l'AFP. «Ce qui importait pour l'Ukraine ce n'était pas le chiffre magique (de 40%) mais sa combinaison» avec l'allongement du remboursement et le taux d'intérêt permettant de respecter les exigences du FMI, a-t-elle ajouté.

L'accord permet aussi à l'Ukraine de continuer d'emprunter sur les marchés extérieurs. «Pourquoi l'accord est-il important? L'Ukraine comme toute famille peut emprunter (...) jusqu'au moment où les créanciers ne veulent plus prêter en la jugeant insolvable», a expliqué Mme Jaresko.

«À un moment donné, les créanciers ont dit à propos de l'Ukraine: 'Trop risqué'. Aujourd'hui ils disent 'on va vous soutenir dans la mesure du possible'», a-t-elle poursuivi. La «dame de fer» des finances ukrainiennes a été acclamée jeudi par ses collègues au gouvernement.

«Tu es une ministre héros!» a lancé à Mme Jaresko le ministre de l'Intérieur, Arsen Avakov.