L'Américain Uber entend investir cette année plus d'un milliard de dollars en Chine, en passe de devenir son premier marché mondial, selon un courrier divulgué vendredi par la presse, et ce malgré des incertitudes réglementaires et une concurrence locale aiguisée.

Uber, numéro un mondial de la mise en relation avec des voitures de transport avec chauffeur (VTC), fait de la Chine «son marché prioritaire», a affirmé son patron Travis Kalanick dans un mémo à des investisseurs.

La firme californienne projette d'y investir en 2015 plus de 7 milliards de yuans (environ 1,38 milliard de dollars), selon cette lettre reproduite par le Financial Times.

Contacté par l'AFP, un porte-parole d'Uber s'est refusé à tout commentaire, sans démentir l'authenticité du document, diffusé par d'autres médias financiers.

«Nos chauffeurs effectuent actuellement en Chine près d'un million de trajets quotidiens», et «nous ne faisons qu'égratigner la surface» d'un immense marché, s'y réjouissait M. Kalanick.

Un million de courses par jour? C'est ce que revendiquait Uber en décembre dernier... pour le monde entier.

Mais depuis début 2015, ses trajets en Chine «ont doublé chaque mois», assure le courrier.

Sur les dix métropoles mondiales les plus actives pour le groupe, quatre se trouvent désormais en Chine. En tête, Canton (sud), Hangzhou (est) et Chengdu (sud-ouest) ont surpassé New York en nombre de trajets/jour.

À ce rythme-là, la Chine devrait «très probablement» surpasser les États-Unis comme le premier marché d'Uber d'ici la fin de l'année, prédit la société.

Uber a par ailleurs annoncé le lancement le 22 juin d'une collecte de fonds afin de financer ses activités chinoises -avec à la clef une possible valorisation du groupe pouvant surpasser 50 milliards de dollars, selon le FT.

Concurrence et coups bas

Uber, introduit en Chine en février 2014, y exerce dans onze villes; il ambitionne d'être présent dès 2016 dans 50 des 80 métropoles chinoises comptant plus de cinq millions d'habitants.

De fait, le créneau semble porteur alors que les Chinois se plaignent volontiers de la piètre qualité de service des taxis. Dans le centre engorgé des grandes agglomérations, trouver un taxi sans réservation préalable est devenue mission impossible.

Mais l'insolent succès d'Uber n'est pas passé inaperçu auprès de «Didi Kuaidi Dache», la société qui domine de façon écrasante le marché chinois des réservations de taxis sur téléphone intelligent.

Né de la fusion de deux applications soutenues par les géants de l'internet Tencent et Alibaba, «Didi Kuaidi» a opportunément lancé ses propres services de mise en relation avec chauffeurs particuliers.

«Un concurrent a cloné nos applications phares», en dehors de «son modèle de réservation de taxis», a déploré M. Kalanick dans sa lettre.

Et de dénoncer des «coups bas»: à l'en croire, Tencent aurait bloqué les comptes d'Uber sur sa populaire messagerie WeChat, et des rivaux auraient payé des chauffeurs de taxi pour qu'ils manifestent contre Uber.

Perquisitions et chanson rap

Pour autant, à la suite de sa spectaculaire croissance sur un créneau encore émergent, Uber assure contrôler désormais près de 50% du marché chinois des réservations pour véhicules particuliers (non taxis).

Il dispose d'un précieux allié: Baidu, le puissant moteur de recherche local, avait annoncé en décembre un «investissement stratégique», non détaillé, dans la firme.

Mais Uber n'en rencontre pas moins en Chine, comme dans nombre de pays occidentaux et asiatiques, une farouche opposition des sociétés de taxis, et de fortes complications administratives.

Ses bureaux ont été perquisitionnés ces deux derniers mois par des autorités municipales à Canton puis à Chengdu, officiellement soupçonné d'«opérations de taxi illégales».

Or, le quotidien Nanfang Daily révélait mi-mai que la municipalité de Canton voulait justement lancer son propre service de réservation semblable à Uber... mais étroitement contrôlé par le gouvernement.

À Chengdu, la perquisition visant Uber a suscité la diffusion virale sur les réseaux sociaux d'une chanson rap en dialecte sichuanais -repérée par le New York Times avant d'être promptement censurée.

Dans des paroles au vitriol, un jeune étudiant y prenait la défense d'Uber, tançait les autorités et surtout fustigeait l'incompétence des taxis locaux, accusés de ne pas connaître leur chemin et surtout d'être... dix fois plus chers qu'Uber.