De nos jours, peu de pays qui ont du pétrole sont dans une situation économique aussi difficile que la Russie. Alors que le premier ministre Vladimir Poutine se prépare à se rassoir dans son fauteuil de président, la tâche s'annonce plus difficile que lors de son premier passage à la présidence entre 2000 et 2008.

Pendant la première partie de son règne, l'économie de la Russie s'est refermée sur elle-même. Elle est devenue accro aux revenus pétroliers, qui comptent pour près de 20% de son PIB. Le problème, c'est que ses gisements de la Sibérie et du Caucase arrivent à la fin de leur vie, et qu'il n'y a rien pour les remplacer.

L'immense territoire russe recèle encore beaucoup de pétrole, mais il faut du temps et surtout des capitaux étrangers pour faire de l'exploration et exploiter ces ressources potentielles. La façon dont Vladimir Poutine et celui qui l'a remplacé à la présidence, Dimitri Medvedev, ont décidé d'avance de l'avenir du pays en se mettant d'accord pour échanger leur poste pourrait faire fuir les intéressés.

Les démêlés passés du gouvernement avec les investisseurs locaux, comme Yukos, et étrangers, comme Shell et BP, ne font rien non plus pour attirer ce capital indispensable. Shell, par exemple, a perdu des milliards après avoir dû abandonner le contrôle du projet gazier Sakhaline-2 sous la pression du gouvernement russe en 2007.

Le gouvernement russe vient tout de même de conclure un accord avec ExxonMobil pour investir 3,2 milliards de dollars dans le développement de deux gisements potentiels dans l'Arctique. C'est Rosneft, l'ancien ministère soviétique du Pétrole reconverti en société par actions, qui contrôlera le partenariat avec 66,7% des parts.

Les entreprises étrangères qui signent ce genre d'entente avec le gouvernement russe le font à leurs risques et périls. Dans le cas d'ExxonMobil, par exemple, les analystes ont relevé qu'il n'y avait aucune certitude sur la façon dont la production serait taxée par le gouvernement russe.

Selon l'Institut public de recherche en énergie, établi à Paris, les investissements dans l'exploration et la production de pétrole augmenteront de 15% cette année dans le monde, pour atteindre 542 milliards de dollars.

La Russie ne recevra qu'une petite partie de cette somme, soit 3%, comparativement à 25% pour le Moyen-Orient et 23% pour l'Amérique latine.

Les 10 prochaines années ne seront pas faciles, prévenait le ministre des Finances Alexeï Koudrine en juin dernier dans une entrevue au New York Times. Comme il n'y aura aucune croissance du secteur pétrolier, il faudra que le reste de l'économie s'améliore, ce qui est impossible tant qu'il n'y aura pas des règles du jeu claires, des institutions solides et un système judiciaire crédible.

Bref, l'économie russe a besoin de démocratie, a dit publiquement celui qui a géré les finances publiques pendant 11 ans avec une poigne de fer. C'est grâce à lui si la Russie a pu supporter sans trop de mal la crise financière de 2008-2009 et la chute du prix du pétrole qui a suivi.

Alexeï Koudrine avait fait beaucoup pour rassurer les investisseurs étrangers. Malheureusement, le tandem Poutine-Medvedev lui a montré la sortie deux jours après avoir annoncé la décision d'échanger leurs fonctions.

Maintenant qu'il n'est plus là pour jouer les trouble-fête, le déficit pourrait exploser, craignent les observateurs. «Les efforts pour consolider les finances publiques, après les importantes dépenses faites lors de la récente crise économique, pourraient être compliqués avec la démission de M. Koudrine», a prévenu la firme Standard&Poors.

L'économie russe se dirige vers une croissance de 4,5% en 2010, un taux plus élevé que l'Europe et les États-Unis, mais faible pour un pays émergent. Surtout quand il a du pétrole.