Les propriétaires du Cinéma Impérial jonglent avec l'idée de céder les «droits aériens» au-dessus du bâtiment patrimonial, ce qui pourrait permettre la construction d'une tour de 18 étages et assurer du même coup la pérennité du Festival des films du monde (FFM).

«Si jamais ça se fait, c'est un projet d'une certaine envergure: il y a tout un processus qui devra avoir lieu et ça ne se fera pas du jour au lendemain», a expliqué à La Presse Affaires François Beaudry-Losique, coprésident de Centre Cinéma Impérial (CCI).

Le FFM a hérité du Cinéma Impérial au milieu des années 90, avant d'en céder la gestion à CCI en 2005. Cet organisme sans but lucratif est géré par le fondateur du FFM, Serge Losique, ainsi que son fils François.

Or, le Festival a traversé de graves difficultés financières cette année, au point que CCI a dû hypothéquer l'Impérial de quelques 2 millions de dollars le mois dernier. C'est à ce moment que l'idée d'utiliser les droits aériens - qui permettraient d'ériger une nouvelle structure au-dessus du cinéma - est revenue à l'avant-scène.

«Il y a des gens qu'on avait approchés il y a une dizaine d'années, et c'est revenu dans l'air cette année avec les questions d'hypothèques de l'Impérial et tout ça», a souligné M. Beaudry-Losique.

Hauteur de 65 mètres

Comme le cinéma de la rue de Bleury détient un statut patrimonial, CCI devra demander l'autorisation au ministère de la Culture et des Communications avant toute construction. Aucune demande n'a été déposée en ce sens, a confirmé une porte-parole.

Le projet devra aussi obtenir le feu vert de l'arrondissement de Ville-Marie, qui couvre le territoire du centre-ville de Montréal. La hauteur permise sur le terrain de l'Impérial est de 65 mètres.

La question du financement reste aussi à préciser, indique François Beaudry-Losique. L'une des options serait de tirer des revenus locatifs à long terme de la nouvelle tour, mais il est trop tôt pour savoir si une telle avenue serait rentable.

Par ailleurs, une éventuelle construction au-dessus du Cinéma Impérial poserait plusieurs problèmes techniques, observe Michel Nadeau, qui siège au conseil d'administration du FFM. «Il faut respecter la structure de base et il faut que la structure le permette. Dans le cas du Théâtre Impérial, vous avez un gros problème: où est-ce que vous mettez les poteaux et les ascenseurs? Vous ne pouvez pas les mettre au milieu de la salle de spectacles.»

François Beaudry-Losique souligne que le dossier est somme toute peu avancé et qu'aucun contrat n'a été signé à ce jour en vue de céder les droits aériens de l'Impérial. «Mais je vous dirais que dans les prochains mois, on va regarder ça peut-être un peu plus sérieusement.»

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UN PHÉNOMÈNE MARGINAL

La cession des droits aériens est fréquente dans les métropoles américaines densément peuplées, en particulier à New York. Le phénomène demeure toutefois marginal au Canada, même à Toronto où un boom de construction transforme la ville depuis plusieurs années, souligne David Lieberman, professeur associé d'architecture et d'urbanisme à l'Université de Toronto.

À Montréal, l'un des rares exemples connus est celui du promoteur Cadillac Fairview, qui érige ces jours-ci la Tour des Canadiens au-dessus de la gare Lucien-Lallier, adjacente au Centre Bell. L'arrondissement de Ville-Marie a été incapable d'indiquer si d'autres propriétaires du centre-ville avaient déjà utilisé ou vendu leurs droits aériens afin de permettre des constructions plus hautes.

La Société de transport de Montréal (STM) souhaite quant à elle utiliser les droits aériens au-dessus de certains édicules de métro pour générer de nouveaux revenus. Le projet est toutefois «embryonnaire» et «à long terme», si bien que rien n'a encore été fait en ce sens, a indiqué une porte-parole.

Il reste que les terrains vacants sont de plus en plus rares au centre-ville, autour du Cinéma Impérial, avec la forte construction des dernières années, remarque François Beaudry-Losique.