En signant un contrat sans appel d'offres d'une valeur de 137 millions au Carré Saint-Laurent, le gouvernement du Québec vient sortir d'un mauvais pas Fondaction, le fonds fiscalisé de la CSN, à un an des négociations dans le secteur public.

Fondaction CSN est en fait propriétaire des terrains du Carré Saint-Laurent, par l'entremise d'une société en commandite gérée par le promoteur, la Société de développement Angus (SDA). Le fonds sera également le principal, sinon le seul, pourvoyeur de fonds propres pour la construction.

Or, depuis 2008, ces terrains ont perdu près de la moitié de leur valeur et ont coûté cher en taxes et autres frais de détention.

Globalement, la société liée à Fondaction a payé 18,9 millions pour ces terrains situés à l'angle sud-ouest des rues Saint-Laurent et Sainte-Catherine. En entrevue, le promoteur du Carré Saint-Laurent, Christian Yaccarini, a admis que la valeur de ces terrains a dû être dégonflée aux fins de l'offre de location au gouvernement, les faisant passer de 465$ à 250$ le pied carré.

On parle ici d'une perte sur papier d'environ 9 millions. Un montant significatif pour Fondaction CSN, qui perd de l'argent une année sur deux depuis 2006.

«Nous avons diminué la valeur de notre investissement», a confirmé Geneviève Morin, chef des investissements à Fondaction CSN, sans s'avancer sur un chiffre.

Les lots avaient été acquis à fort prix entre 2008 et 2010 par son partenaire SDA dans le cadre d'une entente avec Hydro-Québec, qui cherchait à agrandir son siège social. Hydro exigeait toutefois que la SDA fasse disparaître le bar érotique Café Cléopâtre, mais le projet a avorté quand le propriétaire du club a refusé de vendre.

«On était pognés avec le terrain à coût élevé, a dit Christian Yaccarini, PDG de la SDA. On a acheté le terrain parce qu'on avait une entente avec Hydro. Quand l'entente est tombée, je les aurais vendus. Personne ne voulait les acheter. As-tu vu le coin?», s'est-il exclamé.

Cette perte s'ajoute à une facture salée que la société de Fondaction CSN a dû assumer depuis 2008. Le fonds a dû payer un peu plus de 1 million en taxes municipales et scolaires, et entre 1 et 1,5 million pour démolir des bâtiments sur le boulevard Saint-Laurent qui risquaient de s'effondrer. En tout, on parle de charges de 12 millions environ. C'est dire l'importance qu'un projet voie le jour rapidement sur ces terrains.

Le portefeuille d'investissements de Fondaction s'élève entre 650 et 700 millions, dont 54 millions sont consacrés aux projets de la SDA. De cette somme, 30 millions sont réservés au projet du Carré Saint-Laurent.

Fondaction CSN a des liens étroits avec la centrale syndicale CSN. Comme au Fonds de solidarité FTQ, la présidence de Fondaction est assumée d'office par le président de la centrale syndicale. De plus, 6 des 13 membres du conseil d'administration sont issus du sérail de la CSN.

La CSN est le principal syndicat des employés du gouvernement, avec 170 000 syndiqués. La convention collective arrive à échéance en mars 2015, mais les négociations doivent commencer en novembre 2014.

Invitée à commenter, la CSN a décliné l'offre et nous a dirigé vers Fondaction CSN. «Nous n'avons fait aucune représentation auprès du gouvernement, se défend Fondaction par la voix de Geneviève Morin. Ce qu'on offre, c'est un loyer au marché. On n'est pas en train de surcharger qui que ce soit [...] Ça ne m'apparaît pas scandaleux», a-t-elle ajouté.

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Le projet du Carré Saint-Laurent ressemble à celui du complexe de la FTQ, construit au début des années 90, qui avait fait l'objet de vives critiques de la part du vérificateur général du Québec.

À l'époque, la FTQ avait convaincu le gouvernement Bourassa de louer 11 000 mètres carrés pendant 30 ans dans le projet immobilier situé au coin des rues Crémazie et Lajeunesse, à Montréal. Cette superficie représentait 40% de l'immeuble, et la facture totale s'élevait à plus de 100 millions.

Or, le gouvernement n'avait pas besoin de ces locaux à l'époque, avait constaté le vérificateur dans son rapport de 1997. Il a donc dû vider des locaux d'autres immeubles qu'il détenait.

Dans le cas du Carré Saint-Laurent, le gouvernement n'y louera pas 40% des bureaux, mais 100% (14 000 mètres carrés). Et les versements totaliseront 137 millions sur 25 ans à partir de 2018, plutôt que 100 millions sur 30 ans à partir de 1996.

Dans les deux cas, les projets ont pour objectif de revitaliser un secteur, et les baux du gouvernement sont administrés par le bras immobilier du gouvernement, soit la Société immobilière du Québec (devenue la Société québécoise des infrastructures).