Depuis qu'il s'est joint au CN, il y a 20 ans, Claude Mongeau a participé à plusieurs transformations qui ont permis au transporteur ferroviaire de passer du statut de pire compagnie de chemin de fer d'Amérique du Nord au rang de plus performant opérateur du rail du continent. Les transformations ont été nombreuses, mais elles n'ont pas cessé pour autant.

«On met depuis quelques années beaucoup d'efforts sur le service à la clientèle. On s'impose maintenant comme facilitateur du transport intermodal en assurant le lien le plus fluide possible entre l'industrie du camionnage et les autres chemins de fer», expose Claude Mongeau.

Ex-chef de la direction financière du CN, Claude Mongeau a pris la tête de l'entreprise en janvier 2010, lorsque le PDG Hunter Harrison a quitté pour la retraite. Une retraite de courte durée puisque Hunter Harrison a accepté, à la surprise de bien du monde, de prendre les rênes du CP, le grand concurrent de toujours du CN.

«Ç'a été un choc. Hunter Harrison a été un leader pour nous autres. Il a un vrai talent pour redresser des chemins de fer. Mais quitter la retraite pour aller travailler chez le concurrent, on ne pouvait pas laisser faire ça. On a mis un terme à toute sa rémunération différée», explique Claude Mongeau.

Ce n'est pas le premier revirement de situation inattendu au CN qu'a vécu le PDG Mongeau qui s'est joint à l'entreprise en 1994, un an avant qu'elle procède à sa grande transformation pour passer de société de la Couronne, longtemps déficitaire et improductive, à entreprise publique modèle.

«En 1994, j'ai joint le CN comme responsable du développement corporatif avec l'équipe de stratégie qui était dirigée par Michael Sabia, chef de la direction financière. On a préparé la privatisation de 1995.

«Lorsque Michael a quitté pour BCE, en 1999, j'ai pris la direction financière et j'ai travaillé de près avec Hunter Harrison qui était le chef des opérations avant de devenir PDG en 2003. Il a vraiment contribué à ce que le CN produise un rendement remarquable tant sur le plan opérationnel que financier», précise Claude Mongeau.

Poursuivre le changement

Avant la privatisation de 1995, le CN a été longtemps une entreprise en sureffectif, une des principales raisons de son improductivité et de son incapacité à afficher une rentabilité minimale.

Une situation qui n'est plus du tout la même aujourd'hui alors que le CN doit recruter massivement de nouveaux cheminots pour combler ses besoins.

«Pendant dix ans, on a fait zéro embauche. Mais là, notre croissance nous oblige à engager de nouveaux cheminots. Depuis 2010, en trois ans, nos revenus ont progressé de 45%. C'est beaucoup de croissance», observe Claude Mongeau.

Le CN a embauché 2000 nouveaux cheminots l'an dernier et en aura accueilli 3000 additionnels d'ici la fin de l'année. La démographie vient aussi brouiller les cartes des ressources humaines puisque la moitié des 23 000 employés du transporteur ferroviaire vont quitter pour la retraite au cours des cinq prochaines années.

«D'ici cinq ans, je vais assister au départ de la moitié des employés du CN. C'est 10% de nos effectifs qu'il faudra renouveler chaque année durant cinq ans», précise Claude Mongeau.

Ce n'est pas le seul défi que devra affronter le PDG du CN puisqu'il veut aussi pousser plus loin encore les relations avec la clientèle en assurant une meilleure visibilité de son entreprise et une collaboration plus étroite avec ses clients.

«On vient de construire un terminal intermodal au Saguenay pour mieux servir les industriels de la région qui peuvent transborder leur marchandise par camion pour qu'on l'achemine ensuite par chemin de fer.

«Soixante pour cent de notre trafic est généré par des entreprises industrielles. On est la seule entreprise ferroviaire en Amérique du Nord à afficher un tel pourcentage», souligne Claude Mongeau.

Le transport du pétrole

Le PDG convient cependant que de nouveaux produits transitent maintenant via le rail, dont le pétrole de l'Ouest canadien et des États producteurs américains.

Il y a cinq ans, cette activité était inexistante au CN. Cette année, le transport de pétrole représente 2% du trafic du transporteur, une activité qui génère plus de 100 millions de nouveaux revenus par trimestre.

Malgré la tragédie de Lac-Mégantic, Claude Mongeau ne prévoit pas que le CN va réduire cette activité, bien au contraire.

«On prévoit que le transport du pétrole va augmenter en volume pour représenter jusqu'à 4% ou 5% de nos revenus.

«On est extrêmement sensible à ce qui c'est produit cet été et c'est pourquoi on veut continuer de jouer notre rôle et être utile. On a augmenté sensiblement l'inspection de notre réseau et on travaille fort sur la prévention.

«Mais la priorité, que défend l'Association des chemins de fer d'Amérique du Nord, c'est de renforcer la fabrication des wagons-citernes qui transportent des produits dangereux. Il faut éliminer l'utilisation des wagons DOT-111 pour le transport pétrolier, mais ça va prendre un certain temps avant d'y arriver», convient-il.

Claude Mongeau est d'avis que le transport du pétrole par pipeline reste un moyen plus économique que le transport par rail, mais l'industrie pétrolière n'a pas les infrastructures nécessaires pour en profiter.

Le CN prévoyait participer au développement minier du Nord québécois, mais a finalement décidé de laisser tomber.

«On avait un projet avec la Caisse de dépôt de construire une nouvelle voie vers le Nord, mais il n'y a pas de projets d'exploitation de mine assez importants pour justifier cet investissement. Si jamais un gros projet était lancé, on pourrait revoir notre décision», prévoit le PDG.