La Réserve fédérale américaine réduira de 10 milliards US par mois le rythme de sa planche à billets dès le début de l'année, puisque le marché du travail va mieux malgré un chômage toujours élevé. Les achats seront de 75 milliards US, à partir de janvier.

En revanche, la faiblesse de l'inflation l'amène aussi à reporter une première hausse de son taux directeur, qui évolue dans une fourchette de 0% à 0,25% depuis décembre 2008, «bien après» que le taux de chômage sera descendu à 6,5%. Il se situe maintenant à 7,0%.

Jusqu'ici, elle avait indiqué que le seuil de 6,5%, un taux d'inflation inférieur à 2% et des attentes inflationnistes inférieures à 2,5% étaient les conditions à réunir pour un premier resserrement monétaire.

La combinaison de ces deux annonces qui vont en signe inverse a été bien accueillie par les marchés financiers: les indices boursiers new-yorkais ont grimpé, tandis que les taux sur les obligations de 10 ans n'ont pratiquement pas bougé.

Le dollar américain s'est apprécié face à la plupart des devises, à l'exception notable de la livre. Le huard a abandonné plus d'un demi-cent d'équivalence et se négocie désormais sous les 94 cents US. Les cambistes perçoivent que les banques centrales évoluent en sens opposé, celle du Canada ayant renoncé à tout resserrement d'ici 2015. Le huard devrait donc faiblir encore.

Le président de la Fed, Ben S. Bernanke, a eu soin de préciser devant la presse qu'il s'attend à une poursuite de la diminution de la détente au même rythme modeste durant 2014. La cadence sera déterminée par les données économiques. Des pauses ne sont pas exclues, si la croissance ralentissait.

Depuis septembre 2012, la Fed achète des titres adossés à des créances hypothécaires au rythme de 40 milliards et des obligations du Trésor américain à la cadence mensuelle de 45 milliards. Elle réduira ses achats de 5 milliards dans chaque catégorie d'actif financier.

Dans le communiqué faisant part de sa décision, la Fed prend acte de l'amélioration du marché du travail. Devant la presse, M. Bernanke a rappelé que le taux de chômage était de 8% quand la troisième ronde de détente quantitative (DQ3) a été lancée. Toutefois, a-t-il ajouté, le taux de chômage n'est pas tout: il faut aussi considérer le taux de participation de la population au marché du travail, le chômage de longue durée ou la variation des salaires.

Cela dit, les 17 membres du comité de politique monétaire de la Fed s'attendent à ce que le taux de chômage diminue pour se situer dans une fourchette de 5,8% à 6,1% à la fin de 2015, soit une fourchette plus faible de un dixième que celle projetée en septembre.

La fourchette de croissance est, à l'opposé, relevée de un dixième, passant à 2,8% - 3,4% en 2014 et à 3,0% - 3,2% en 2015. Fait à noter, le potentiel de croissance à long terme est, quant à lui, diminué de un dixième, à 2,2%-2,4%.

La prudence affirmée dans le rythme de normalisation de la politique monétaire est aussi perceptible dans le fait que 3 membres sur 17 voient une première hausse de taux en 2016 seulement. Ils étaient deux en septembre.

En outre, la décision a été prise avec la dissidence d'Eric Rosengrem. À son avis, tout ralentissement de la DQ3 est prématuré, vu le chômage toujours élevé et la faiblesse de l'inflation. Esther George, qui jugeait jusqu'ici trop élevé le degré de détente quantitative, s'est en revanche ralliée.

M. Bernanke, qui en était à sa dernière conférence de presse avant de passer le flambeau à Janet Yellen, a aussi expliqué la décision majoritaire de la Fed par le fait que la détente quantitative est «un outil complémentaire, difficile à calibrer».

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CE QU'ILS EN PENSENT

«Bien que les données économiques justifient la décision de réduire le programme d'assouplissement quantitatif, nous nous serions attendus à une annonce de la décision en janvier pour éviter un accès de volatilité alors que la liquidité diminue sur les marchés vers la fin de l'année. Mais le premier pas de la réduction du programme d'achat d'actifs de la Fed est relativement modeste et ne devrait donc pas bouleverser les marchés.»

- Paul-André Pinsonnault/Krishen Rangasamy, économistes, Banque Nationale

«Les données macroéconomiques se sont suffisamment améliorées au cours des dernières semaines, tandis que l'accord budgétaire au Congrès élimine une bonne dose d'incertitude à l'horizon. Cela suffit pour conforter la Fed à commencer à ralentir sa détente.»

- Martin Schwertfeger, économiste principal, TD études économiques

«La baisse des achats de titres est entamée et elle devrait se poursuivre au même rythme de 10 milliards US par réunion d'ici la fin de l'année. On n'anticipe pas de relèvement de taux directeurs avant septembre 2015.»

- Francis Généreux, économiste principal, Desjardins, Études économiques

«Je crois que la Fed s'est positionnée pour être testée par les marchés obligataires en 2014, ce qui pourrait compromettre la poussée boursière qui a suivi l'annonce de sa décision.»

- Derek Holt, vice-président, Scotia études économiques