Les tarifs imposés sur l'aluminium par l'administration Trump ne feront pas revenir les usines aux États-Unis. C'est la surcapacité de production alimentée par la Chine qui menace l'industrie et qu'il faut combattre, affirment les grands producteurs d'aluminium, qui ont tenu hier à Montréal une réunion exceptionnelle pour faire face à la crise.

Les représentants de l'industrie demandent formellement aux leaders du G7, qui se réunissent cette semaine dans Charlevoix, de créer le Forum mondial de l'aluminium et de transporter la discussion à la prochaine rencontre du G20, dont la Chine fait partie, plus tard cette année.

« On est dans une situation de crise », a soutenu le président et chef de la direction de l'Association de l'aluminium du Canada, Jean Simard, après les discussions avec ses homologues des États-Unis, de l'Europe et du Japon.

Les tarifs américains sont venus perturber davantage un marché déjà déséquilibré depuis des années par l'augmentation de la production chinoise très subventionnée. Ça crée une sorte de « momentum », selon l'industrie. « La Chine est aux prises avec toutes sortes de fermetures de frontières, a expliqué M. Simard. Ils veulent exporter. Ils ont un problème et ils vont être obligés de s'asseoir pour trouver des solutions. »

PRODUCTION D'ALUMINIUM EN CHINE

1990 : 1 million de tonnes

2000 : 2,8 millions de tonnes

2010 : 20 millions de tonnes

2017 : 34 millions de tonnes, soit 53 % de la production mondiale

Fortement subventionnée, l'augmentation rapide de la production chinoise génère des surplus qui remettent en question le commerce libre de l'aluminium, estiment les autres producteurs mondiaux.

La piste de solution proposée hier prévoit la mise en place d'un système de surveillance international de l'industrie à l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), sur le modèle de ce qui se fait déjà pour l'acier.

« Il est maintenant temps de relever le défi de la surcapacité chinoise une fois pour toutes », a affirmé Heidi Brock, représentante de l'industrie américaine de l'aluminium.

Selon elle, les tarifs imposés par l'administration américaine pour ressusciter la production d'aluminium aux États-Unis ne donneront rien. « Les tarifs créent beaucoup d'incertitude, et personne ne fait des investissements dans un tel contexte », a-t-elle dit.

La représentante américaine a rappelé que 95 % des emplois de ce secteur aux États-Unis sont liés à la transformation d'aluminium et qu'il y a beaucoup d'inquiétude au sujet du maintien de ces emplois, parce que les lingots d'aluminium coûtent plus cher pour les transformateurs à cause des tarifs.

Production américaine d'aluminium :  700 000 tonnes par an

Consommation américaine d'aluminium :  5,5 millions de tonnes par an

Gervais Jacques, chef des opérations pour Rio Tinto Aluminium, croit aussi que les tarifs américains n'inciteront pas les producteurs d'aluminium à investir dans de nouvelles installations aux États-Unis. « Les tarifs n'auront pas d'impact pour créer de nouvelles usines, a-t-il soutenu. Ce qui peut arriver, au mieux, c'est de voir une ou deux usines redémarrer. Mais ça demeure des usines qui datent de plus de 50 ans. C'est comme redémarrer une vieille auto que vous avez dans le garage. »

AIDE GOUVERNEMENTALE

Le gouvernement du Québec a promis hier des mesures d'aide pour les petits transformateurs d'aluminium dont les produits pourraient être frappés par les tarifs américains. « Il faut s'assurer que la production et les volumes d'exportation seront maintenus », a précisé la ministre de l'Économie et vice-première ministre, Dominique Anglade.

Elle a rappelé que 9 des 10 alumineries canadiennes sont au Québec et que 1400 entreprises transforment le métal primaire en différents produits. Au total, 30 000 emplois en dépendent.

Quant aux producteurs comme Rio Tinto, ils n'ont pas besoin d'aide financière du gouvernement, a dit Gervais Jacques. « Ce qu'on veut, c'est de la prévisibilité et moins d'incertitude. »

Les investissements déjà annoncés par Rio Tinto au Québec ne sont pas menacés, a-t-il assuré. À court terme, les grands utilisateurs d'aluminium comme Boeing ou GM vont continuer d'en acheter, a-t-il expliqué. « Mais à long terme, l'aluminium va devenir moins compétitif. Il y a un risque de substitution. »

Photo Marco Campanozzi, La Presse

Les représentants de l'industrie demandent formellement aux leaders du G7, qui se réunissent cette semaine dans Charlevoix, de créer le Forum mondial de l'aluminium et de transporter la discussion à la prochaine rencontre du G20, dont la Chine fait partie, plus tard cette année. Sur la photo : Dominique Anglade, ministre de l'Économie