Une nouvelle étude commandée par les groupes environnementaux Greenpeace et Équiterre conclut que le transport et le traitement des sables bitumineux de l'Alberta auraient des «retombées économiques négligeables» pour le Québec.

Une économiste, coauteure de l'étude et membre du conseil d'administration de Greenpeace, soutient que la création d'emplois et les retombées pour le Québec de tous les projets liés aux sables bitumineux proposés jusqu'ici seraient négligeables pour l'ensemble de l'économie de la province.

«(Les risques) sont assumés par les citoyens du Québec et non par les entreprises», a affirmé Brigid Rowan, économiste principale au sein du Goodman Group, en conférence de presse à Montréal.

L'étude examine les possibles bénéfices économiques du projet d'oléoduc Énergie Est de TransCanada [[|ticker sym='T.TRP'|]], du plan de Suncor [[|ticker sym='T.SU'|]] qui permettrait à sa raffinerie montréalaise de transformer du sable bitumineux de l'Alberta, et de l'inversion par Enbridge [[|ticker sym='T.ENB'|]] du flux de sa canalisation 9 vers Montréal.

Si tous ces projets devaient voir le jour, la contribution du secteur du pétrole brut se maintiendrait «probablement» aux niveaux actuels de 0,50% - ou moins - de l'ensemble de l'économie du Québec, et à 0,30% - ou moins - de tous les emplois de la province, soutient l'étude.

Mme Rowan affirme qu'en contrepartie, un bris d'oléoduc pourrait coûter des vies et des milliards de dollars en dommages - particulièrement si le déversement se produisait dans un secteur urbain comme Montréal ou Toronto.

Le rapport, intitulé «Transport et traitement du pétrole brut des sables bitumineux au Québec: enjeux économiques», a été réalisé par le cabinet d'experts-conseils en énergie et économie The Goodman Group.

Le rapport, daté de janvier 2014, mais seulement rendu public lundi, attribue ses conclusions aux données fournies par Statistique Canada et par les promoteurs des divers projets de transport et de traitement du pétrole des sables bitumineux de l'Alberta.

Toutes retombées économiques minimes seraient ressenties durant la période de développement à court terme, et les projets généreraient peu d'emplois à long terme dans la province, a affirmé l'économiste.

Bien que les raffineries bénéficient probablement des prix plus bas du pétrole brut, ces économies ne se traduiraient sans doute pas par une baisse des prix à la pompe pour les consommateurs, ajoute l'étude.

Plus tôt cette année, l'Office national de l'énergie a approuvé le plan controversé d'Enbridge d'inverser le flux et d'augmenter la capacité de sa canalisation 9, un projet qui permettrait le transport de pétrole brut de l'ouest vers des raffineries en Ontario et à Montréal.

L'organisme avait affirmé que sa décision donnait à Enbridge «la possibilité de réagir aux forces du marché et procurait des avantages à la population canadienne», tout en permettant également la mise en oeuvre du projet d'une manière «sécuritaire et écologique».

Les opposants au projet font notamment valoir le déversement d'un oléoduc d'Enbridge au Michigan en 2010, au cours duquel 20 000 barils de pétrole brut s'étaient déversés dans la rivière Kalamazoo.

Le gouvernement fédéral avait salué la décision sur la canalisation 9, affirmant que le projet consoliderait des emplois de qualité en raffinage au Québec, ouvrirait de nouveaux marchés pour les producteurs pétroliers dans l'Ouest canadien et offrirait une solution de rechange au pétrole brut étranger plus dispendieux.

TransCanada a fait valoir pour sa part que les contrats reliés au projet Énergie Est soutiendraient la viabilité à long terme d'emplois canadiens en raffinage au Québec et au Nouveau-Brunswick.

Une étude commandée par TransCanada, et dévoilée l'an dernier, projette que la phase de construction et de développement d'Énergie Est générerait l'équivalent de 10 071 emplois directs à temps plein à travers le Canada d'ici 2018.

L'étude, menée par Deloitte & Touche, ajoute que 1081 emplois directs seraient créés après le début des activités de l'oléoduc.

Néanmoins, l'étude réalisée par The Goodman Group recommande que le Québec s'attarde à développer l'industrie énergétique verte pour créer des emplois plutôt que de s'associer à des projets reliés aux sables bitumineux.

«(Le Québec) doit se doter d'une vision énergétique durable, en misant sur l'efficacité énergétique, les investissements dans les énergies renouvelables, le transport en commun et l'électrification des transports», fait valoir Ian Goodman, président du Goodman Group et co-auteur du rapport, dans le communiqué transmis lundi.

«Cela permettrait de récolter des bénéfices plus importants et plus durables sur le plan du développement économique», soutient M. Goodman.

En réaction à la publication de cette nouvelle étude, un porte-parole de TransCanada a soutenu que ses auteurs minimisaient l'impact des milliards de dollars en investissements.

«Quand vous investissez 3,2 milliards $ pour construire quelque chose dans la province de Québec et investissez 125 millions $ pour l'exploiter annuellement pendant des décennies, il est logique que les Québécois profiteront des emplois et des impôts générés», a affirmé Shawn Howard par courriel.

«Si des raffineries au Québec ferment, cela signifierait la perte de milliers d'emplois, et ces impacts sont bien réels pour les gens qui choisissent de travailler dans ce secteur», a-t-il ajouté.