Le seul consensus, c'est que le temps presse. Après deux tentatives avortées sous le gouvernement précédent, Québec présente une nouvelle réforme de la Loi sur les mines. L'industrie, les municipalités et les environnementalistes veulent une nouvelle loi. Malgré leurs critiques respectives, tous partagent une même inquiétude: le droit de veto que veut conserver la ministre des Ressources naturelles, Martine Ouellet.

Une nouvelle loi au plus vite

«Le projet de loi est loin d'être parfait, mais c'est mieux que le statu quo», selon Ugo Lapointe, porte-parole de la Coalition pour que le Québec ait meilleure mine. Il demande aux élus de ne pas «faire de blocage» ou de «jeux politiques» pour améliorer la loi et de l'adopter avant le déclenchement probable d'élections le printemps prochain. «Le gros travail a déjà été fait», ajoute-t-il.

Bâtir sur les acquis

Il y a déjà eu 2 projets de loi libéraux morts au feuilleton, 3 rapports du vérificateur général et près de 150 mémoires. Le nouveau projet de loi 43 du gouvernement péquiste construit à partir de ces acquis. Parmi les propositions reprises par la ministre Ouellet:

> obligation d'aviser les propriétaires d'un terrain «claimé» et qui fera l'objet de travaux dans 90 jours;

> fin de l'expropriation à la phase d'exploration;

> aider les citoyens qui doivent négocier avec les sociétés minières;

> exiger une étude du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) pour chaque projet minier, et non seulement ceux de plus de 7000 tonnes par jour;

> exiger des garanties financières de 100% pour la restauration des sites, payables en 3 ans.

Les nouvelles mesures

> Exiger qu'on transforme le minerai en sol québécois lorsque c'est possible. Les sociétés minières devraient obligatoirement faire une étude de faisabilité, et ce, même au renouvellement de leur bail.

> Imposer aux sociétés minières l'obligation de dévoiler la quantité de minerai prélevé et les redevances payées.

> Diviser le territoire en trois catégories: compatible avec l'activité minière, compatible à certaines conditions ou incompatible. Le projet de loi précédent proposait aussi des zones d'exclusion, mais définies autrement. Les municipalités s'appuieraient sur les «orientations» de la ministre pour définir leurs schémas d'aménagement et délimiter ces zones. Mais la ministre attendrait l'adoption de sa loi pour présenter ses orientations.

Un «pouvoir arbitraire»

La section des «pouvoirs particuliers» du ministre inquiète à la fois les municipalités, les environnementalistes et l'industrie. La ministre Ouellet s'y réserve le droit de changer les conditions du développement minier en cours de route, de «réserver à l'État» le développement ou de carrément l'interdire sur un territoire. Ce «pouvoir arbitraire» rend le développement imprévisible et effraie donc les investisseurs, selon l'industrie. Les environnementalistes craignent, au contraire, qu'on encourage ainsi le lobbying en coulisse entre le gouvernement et l'industrie.

Les demandes des environnementalistes

Contrairement au dernier projet de loi libéral, le projet péquiste ne s'appliquerait pas aux territoires déjà «claimés», ce que dénoncent Québec solidaire et la Coalition pour que le Québec ait meilleure mine.

Les autres demandes principales de la Coalition:

> Mettre fin au «free mining», qui donne préséance aux droits miniers et empêche les municipalités de bloquer un projet existant. Les municipalités le demandent aussi.

> Mieux protéger les citoyens en négociation ou litige avec une société minière.

> Mettre fin à l'auto-surveillance en environnement, donner plus de moyens au Ministère pour faire cette surveillance et former des comités de suivi indépendants.

Les craintes de l'industrie

L'industrie est d'accord pour garantir 100 % des coûts de restauration. Mais elle ne veut pas qu'on exige un plan de restauration avant même l'octroi du bail. Les projets seront ralentis, et le financement sera compromis, craint-elle. Même chose pour l'étude obligatoire sur la faisabilité de la transformation. Le gouvernement «s'immisce dans la stratégie d'affaires» des entreprises, dénonce l'Association minière du Québec.

L'Association de l'exploration minière du Québec déplore en outre qu'on gère le développement par claim. Un projet minier peut comporter plusieurs claims. On fragmente ainsi les projets, ce qui les rendra difficiles à gérer et à financer, craint-on.