Après un saut en politique qui a duré trois ans, Clément Gignac a retrouvé son univers d'économiste en chef et sa liberté de parole. Il croit que le Québec ne pourra pas continuer indéfiniment à recevoir de la péréquation sans exploiter ses ressources naturelles.

S'il veut maintenir son niveau de vie, le Québec n'a pas le choix. Il doit exploiter ses ressources minières et ses hydrocarbures, s'il en a, estime l'ancien ministre des Ressources naturelles Clément Gignac. «Si on fait une croix là-dessus, je vais être inquiet pour mes enfants et mes petits-enfants», dit-il.

Celui qui a été au coeur du débat sur les redevances minières et le gaz de schiste croit que le Québec ne pourra pas reporter indéfiniment le débat, parce qu'il est plus endetté et qu'il a plus de programmes sociaux que les autres provinces.

«On reçoit 8 milliards de péréquation au Québec, explique-t-il en entrevue avec La Presse Affaires. Grâce à quoi? Au fait que l'Ouest exploite ses ressources naturelles.»

Ça ne peut pas durer, selon lui. «Certains vont poser des questions, dans l'Ouest et à Ottawa. C'est déjà commencé.»

L'heure des décisions est arrivée. «Il faut se décider sur le régime minier et si on veut exploiter ou non les hydrocarbures. Si on ne peut plus couper un arbre ni forer un trou, on ne pourra pas continuer longtemps à financer nos programmes sociaux avec la péréquation», prédit-il.

Le nouveau gouvernement annonce un changement des règles du jeu dans le secteur minier, le troisième en trois ans. Clément Gignac croit que ce nouveau régime ne pourra pas être très différent de celui mis en place par son gouvernement. «Je pense que le portrait n'a pas changé depuis deux ans», assure-t-il.

Le régime actuel est peut-être «perfectible», selon lui, mais le gouvernement doit aussi tenir compte de la réalité. Le Québec ne peut pas avoir le même niveau de redevances que l'Australie, qui est plus près du marché chinois, ce qui permet de réduire le coût du transport du minerai de 30 à 50$ la tonne. Il ne peut pas non plus faire abstraction de la concurrence de l'Ontario et des Territoires-du-Nord-Ouest.

Changer de cap

Le président d'Hydro-Québec, Thierry Vandal, a affirmé en commission parlementaire que le gouvernement de Jean Charest savait très bien que le projet de réfection de la centrale nucléaire Gentilly-2 serait abandonné, mais qu'il avait préféré ne pas l'annoncer à la veille des élections.

Ce n'est pas vrai, assure celui qui était responsable de la société d'État. «J'attendais d'avoir le rapport d'Hydro-Québec et les chiffres, explique-t-il. Et quand les élections ont été déclenchées, je ne les avais pas.» La direction d'Hydro a produit un rapport chiffré recommandant l'abandon du projet après l'annonce faite par le nouveau gouvernement.

Quoi qu'il en soit, Clément Gignac est «assez à l'aise» avec la décision de fermer la centrale. «Le nucléaire n'a jamais été au coeur de la stratégie énergétique du Québec», souligne-t-il.

Cette stratégie énergétique fondée sur l'exportation d'électricité aux États-Unis ne tient plus la route, estime l'ancien ministre, en raison de l'abondance du gaz naturel au sud de la frontière et de la baisse du prix de l'électricité. «Il y a beaucoup plus d'avenir est-ouest que nord-sud» pour l'électricité du Québec, estime-t-il. L'Ontario, où le prix de l'électricité est plus élevé, a des décisions à prendre sur la réfection de ses centrales nucléaires. Le Québec pourrait saisir cette occasion pour conclure des ententes à long terme et lui vendre de l'électricité, selon lui.

Clément Gignac croit lui aussi que les surplus d'électricité peuvent aussi servir à attirer les investissements privés dont le Québec a besoin. À condition de ne pas donner l'électricité aux entreprises. «L'important, c'est qu'il y ait des profits en fin de compte», dit-il.