Le nombre de personnes à faible revenu a bel et bien baissé dans l'île de Montréal dans les dernières années, mais pas dans les proportions que pouvait laisser croire un document récent de la Ville de Montréal.

Après vérifications auprès de Statistique Canada et de la Ville de Montréal, le nombre de personnes à faible revenu a diminué de 18 % dans l'île de Montréal en 10 ans, entre 2005 et 2015.

Or, le 16 janvier dernier, La Presse a écrit que la population de personnes à faible revenu avait diminué de 175 000 personnes en 15 ans, une diminution de 34 % qui avait laissé dubitatif Stéphane Crespo, analyste statistiques et indicateurs sociaux à l'Institut de la statistique du Québec.

Les données ayant servi de référence à notre article avaient été tirées d'un profil de quartier préparé par Montréal en statistiques à la demande de l'arrondissement de Ville-Marie, dans le cadre de la préparation du programme particulier d'urbanisme (PPU) pour le secteur des Faubourgs. Le document en question est diffusé sur le site internet de l'Office de consultation publique de Montréal.

Le nombre de personnes à faible revenu reposait sur les seuils de faible revenu après impôt utilisés par Statistique Canada. Ces seuils sont calculés sur une base canadienne et sont établis en fonction de la taille de la région. Pour Montréal, les seuils en 2015 s'élevaient à 20 386 $ pour une personne seule et à 38 544 $ pour un ménage de quatre personnes.

Le scepticisme de M. Crespo s'est avéré justifié. La Ville a reconnu avoir comparé des pommes avec des oranges dans son profil de quartier.

Dans un courriel reçu le 28 janvier, le Service de développement économique de la Ville explique avoir comparé des données avant impôt de 2001 avec des données après impôt de 2016, ce qui a eu pour effet d'exagérer la diminution du nombre de personnes à faible revenu entre les deux périodes.

Le dénombrement des personnes se trouvant sous les seuils de faible revenu après impôt n'a malheureusement pas été calculé par Statistique Canada lors du recensement de 2001.

Pour refaire les calculs, on doit se contenter des seuils avant impôt, moins intéressants parce qu'ils ne tiennent pas compte des transferts gouvernementaux, dont l'un des buts est de réduire la pauvreté.

Sur cette base imparfaite, le nombre de personnes à faible revenu a reculé de 13 % en 15 ans, soit une diminution de 67 705 personnes, donc beaucoup moins que les 175 000 espérés.

À notre demande, Statistique Canada a comparé les seuils de faible revenu après impôt pour la plus longue période disponible. Entre 2005 et 2015, le nombre de personnes à faible revenu dans l'île de Montréal a diminué de 73 845 personnes, passant de 413 530 personnes à 339 685, une baisse de 18 % en 10 ans.

Raisons du recul de la pauvreté

La Ville explique ce recul par la croissance du revenu moyen des ménages de l'île qui a excédé le rythme de l'inflation au cours de la période. 

« Le montant qui détermine les seuils de faible revenu a augmenté de 30,5 % de 2001 à 2016 alors que les revenus médians des Montréalais ont augmenté de 46,3 % », écrit Benoit Van de Walle, membre de l'équipe de Montréal en statistiques.

Il rejette aussi l'hypothèse, évoquée par certains de nos lecteurs à la publication de notre article original, selon laquelle le recul de la pauvreté s'expliquerait par le déménagement des ménages à faible revenu en banlieue, où le logement est moins cher.

« Parce que le nombre de personnes à faible revenu a reculé partout au Québec dans les mêmes proportions qu'à Montréal, rien ne permet d'estimer que cette diminution serait le résultat d'un déplacement des Montréalais moins bien nantis vers d'autres régions du Québec. »

Historiquement, ce sont des travailleurs professionnels qui quittent Montréal pour acheter une maison en banlieue dans le but d'élever une famille. Ceux-ci sont remplacés dans l'île en bonne partie par des étudiants et par des immigrants qui n'ont pas nécessairement de gros moyens.