La Presse donne la parole aux grands dirigeants du Québec. Chaque vendredi, un patron répond à cinq questions posées par le chef d'entreprise interviewé la semaine précédente. Et ainsi de suite. Chantal Glenisson, présidente-directrice générale de l'Aubainerie, répond aujourd'hui aux questions de Rupert Duchesne, chef de la direction d'Aimia.

Vous avez travaillé longtemps dans le secteur de l'alimentation et celui de la rénovation. Qu'est-ce qui vous a incitée à faire le saut dans le domaine de la mode, récemment ?

La mode n'était pas un secteur qui m'était inconnu puisque j'ai travaillé chez Walmart pendant presque neuf ans, où il y a un rayon mode relativement large. C'était déjà une passion pour moi. Voir ce qui se passait avec les tendances et le comportement du consommateur aussi. Faire le saut à l'Aubainerie me permettait de pousser ma passion encore plus loin. Ça me donnait également une expérience de plus. J'ai touché à l'alimentation, à la marchandise générale, à la quincaillerie et à la rénovation. Le fait que l'Aubainerie était une entreprise québécoise bien établie m'attirait aussi.

L'industrie de la mode est en constant changement : compétition accrue de détaillants de renommée internationale qui veulent percer le marché canadien de la mode à bon prix, intégration verticale, évolution des comportements des consommateurs entre la mode rapide et la mode durable. Dans cet environnement, comment faites-vous pour demeurer compétitifs en matière de prix, à innover et à vous démarquer ?

Le secteur de la mode a connu une transformation depuis 2005, alors que l'Organisation mondiale du commerce a aboli les quotas sur les textiles. Ça a révolutionné le marché. On a commencé à recevoir beaucoup de vêtements de l'Asie. Les achats en ligne apportent une autre dimension, changent la façon dont les gens achètent. Il faut s'adapter aux différents profils de consommateurs. Aujourd'hui, les clients sont aguerris, ils veulent avoir de la qualité pour le prix qu'ils paient.

Une des missions importantes de l'Aubainerie, c'est d'offrir de la valeur à nos clients. On fait de la recherche constante en ce qui concerne les tendances. On a 25 designers qui travaillent pour nous à l'interne. Ça nous aide beaucoup à créer des styles. On a aussi un spécialiste à l'interne pour les produits. Il observe les textiles pour offrir la meilleure valeur tout en assurant le maintien de la qualité. On analyse constamment nos processus. On essaie de voir où on peut être plus efficaces pour refiler les économies à nos clients en baissant les prix. On simplifie aussi la vie des familles qui sont très occupées, puisque le magasinage peut se faire au même endroit pour tous.

L'Aubainerie est bien établie au Québec avec plus de 58 magasins. Au-delà de visées canadiennes, envisagez-vous une expansion internationale ? Sinon, qu'est-ce qui vous retient ?

Pour le moment, on va commencer par le marché canadien ! Un magasin ouvrira en 2017 en Ontario. Ce seront nos premiers pas à l'extérieur des frontières québécoises [l'Aubainerie a eu un magasin à Hawkesbury entre 2013 et janvier 2016]. On va faire nos classes. Une fois qu'on sera bien positionnés dans le marché canadien, on pourra penser à aller ailleurs. Le développement international nous intéresse, mais il faut être réalistes par rapport à nos ambitions. Ça demande notamment des infrastructures différentes, des bureaux dans d'autres pays.

L'Aubainerie investit beaucoup dans le marketing - par l'entremise de campagnes publicitaires grand public et de collaborations avec Véronique Cloutier, Jean Airoldi ou Bruny Surin - ainsi que dans un tout nouveau site transactionnel. Comment voyez-vous l'évolution du marketing et de l'expérience client ?

Beaucoup de gens croient que les ventes en ligne vont faire fermer des magasins. J'ai une position un peu différente. L'expérience client est la clé. On doit offrir la possibilité aux consommateurs d'acheter sur le web, mais on doit aussi avoir une offre similaire en magasin. L'expérience doit être vraiment superbe en ligne comme en magasin. Si le site web n'est pas facile à consulter, si la politique de retours ou le paiement sont compliqués, l'expérience est moins bonne. Le client est bousculé par le temps, alors plus l'expérience est simple et agréable, plus il reviendra.

À l'avenir, on personnalisera le marketing. L'erreur à ne pas faire : inonder nos clients de courriels. En personnalisant notre offre, on rejoindra plus de clients, qui risqueront moins de se dire que cette offre ne s'adresse pas à eux. Le numérique, le marketing et le magasin doivent marcher main dans la main.

Comment percevez-vous votre rôle à l'Aubainerie et en quoi est-il différent des rôles que vous avez joués chez Rona, Walmart et Provigo-Loblaw ?

Quand j'étais chez Walmart et Loblaw, j'étais vice-présidente à la direction. Je me concentrais donc sur des secteurs bien particuliers, comme les opérations ou la recherche industrielle. Comme PDG, je suis plus comme une chef d'orchestre. Je touche à tout, des finances au marketing. Naturellement, je suis aussi la chef d'orchestre pour les stratégies et les plans à mettre en place pour l'entreprise. C'est un rôle différent. Je suis garante du succès de l'entreprise et de nos équipes.

Le parcours de Chantal Glenisson en bref

Âge : 57 ans

Études : Chantal Glenisson est titulaire d'un EMBA de la Harvard Business School. Elle a également suivi le programme de développement du leadership du Forum international des femmes.

En poste depuis : mai 2016

Nombre d'employés : 2600

Avant d'être PDG : Elle a travaillé entre autres chez Rona comme première vice-présidente et directrice générale de Réno-Dépôt, et chez Walmart Canada comme première vice-présidente de l'exploitation pour l'est du Canada. Elle a également occupé divers postes de direction chez Provigo-Loblaw.

C'était la dernière chronique « Questions pour un patron ». Merci d'avoir été si nombreux à la lire.