Originaire de France, Patrice Halley est arrivé au Québec il y a quelques années. Il a été atterré lorsque son employeur lui a parlé de ses vacance : trois semaines pour l'année et un maximum de deux semaines collées l'été. Il est tout de même choyé: son patron lui a donné davantage que les 10 jours de vacances rémunérés exigés par la loi.

« Mon ex-femme en France a neuf semaines de vacances payées au total; un mois l'été, puis le reste dans l'année, dit-il. Au Québec, c'est différent, les vacances ne sont pas valorisées. »

Patrice Halley s'est tout de même négocié deux semaines supplémentaires à ses frais cet été, ce qui lui donne finalement un mois pour prendre la clé des champs.

C'est largement au-dessus de la moyenne des salariés québécois sondés en juin par l'Ordre des conseillers en ressources humaines agréés.

Le sondage révélait que les salariés prenaient en moyenne deux semaines de vacances cet été. C'était 2,2 semaines l'an dernier et 2,3 en 2013.

Est-ce trop peu? Tout dépend du comparatif.

« Le Québec évolue dans un contexte nord-américain et aux États-Unis par exemple, il n'y a aucun jour de vacances garanti par la loi, alors qu'on est à deux semaines ici après un an de service continu et à trois semaines après cinq ans », indique Francine Sabourin, conseillère en ressources humaines agréée (CRHA) et directrice du développement de la profession à l'Ordre des CRHA.

En Europe, c'est une autre histoire.

« Il y a un minimum de 25 jours en France et de 28 au Royaume-Uni par exemple, indique Francine Sabourin. C'est souvent autour de ça en Europe. Les nombreuses semaines de vacances font partie de la culture. »

Décrocher

Deux semaines, trois semaines, un mois; combien de jours de vacances sont essentiels pour permettre au travailleur de décrocher vraiment du travail et de recharger ses batteries ?

Julie Ménard, professeure et chercheuse spécialisée en santé psychologique au travail à l'Université du Québec à Montréal (UQAM), affirme que les études n'ont toujours pas établi la durée optimale des vacances.

« La durée des vacances peut influencer la récupération, mais tout porte à croire qu'elle varierait beaucoup d'une personne à l'autre et d'un contexte à un autre, affirme la psychologue. L'important, ce n'est pas les vacances en soi, mais ce que l'on en retire. »

Avoir de longues vacances ne signifie pas que l'on décroche pour autant. Le sondage commandé par l'Ordre des CRHA indique d'ailleurs que deux salariés sur cinq ont affirmé rester en contact avec le travail pendant leurs vacances. La raison évoquée était pour 14 % des personnes sondées la culture d'entreprise et pour 9 % des gens la pression d'un supérieur immédiat.

« On peut déduire que ce 23 % de gens qui ne décrochent pas tout à fait agissent ainsi parce que les vacances ne sont pas suffisamment valorisées dans l'entreprise, indique Mme Sabourin. Les autres expliquent ce comportement à 61 % par intérêt personnel et à 27 % par impossibilité à déléguer. On peut aussi se demander dans ces cas si c'est vraiment une impossibilité ou plutôt, une façon de garder le contrôle, ou de montrer qu'on est difficilement remplaçables! »

La technologie peut être un ennemi au décrochage puisqu'elle permet d'être toujours à un doigt du boulot.

« Il peut être difficile de se donner le droit de prendre des vacances, de décrocher réellement et donc, de récupérer », affirme Julie Ménard.

Or, la récupération est le grand objectif des vacances. La psychologue explique qu'on doit récupérer physiquement quant à son niveau d'énergie par exemple, mais aussi cognitivement pour maintenir une bonne concentration, puis psychologiquement de façon entre autres à garder son sentiment d'efficacité.

« La récupération des ressources dépensées dans toutes les sphères de sa vie permet de les réinvestir par la suite pour être efficace et éviter l'épuisement professionnel », affirme Julie Ménard.

Lorsque Patrice Halley n'a pas pris des vacances depuis un moment, il a l'impression de ne pas se renouveler.

« Puis, lorsqu'on revient de vacances, on est gonflé, plein d'énergie, plus efficace », remarque-t-il.

Francine Sabourin est du même avis.

« Lorsqu'on revient reposé, on est plus productif, le climat de travail est meilleur: c'est bon pour l'entreprise. »

Pour mieux planifier

La période de vacances se déroule difficilement cette année? L'an prochain, assurez-vous de mieux planifier le tout. Voici trois conseils pour y arriver de Francine Sabourin, directrice du développement de la profession à l'Ordre des CRHA.

1-Réalisez un calendrier de vacances clair en s'assurant notamment qu'il n'y aura pas trop de personnes aux responsabilités semblables en vacances en même temps.

2-Évitez que vos employés soient constamment tentés de mettre leur nez dans leurs courriels et suggérez-leur de les désactiver de leur cellulaire pour leurs vacances.

3-Répartissez stratégiquement les responsabilités de chaque employé parti en vacances à quelques collègues pour tout couvrir et réduire le stress de tous.