Une nouvelle étude de HEC Montréal démontre que le bureau actif - un poste de travail jumelé à un tapis roulant - stimule la mémoire et l'attention des travailleurs.

À l'autre bout du fil, Jeremy Kenemy parle sans aucune trace d'essoufflement dans la voix. Pourtant, le vice-président de la société immobilière Jones Lang LaSalle à Montréal travaille tout en marchant sur un tapis roulant - ce qu'on appelle le «bureau actif». Il est vrai qu'il ne file pas à toute allure: le tapis est réglé à une vitesse de 1,5 km/h. Mais le seul fait de marcher est suffisant pour qu'il en ressente les bienfaits tant sur sa santé que sur sa performance au boulot.

«Être assis toute la journée me fatiguait, ce qui n'est pas normal pour une personne aussi sportive que moi, raconte l'homme de 41 ans, qui travaille à son bureauactif depuis quatre ans. Aujourd'hui, je marche de six à sept heures par jour. J'ai plus d'énergie, je suis de meilleure humeur et je suis plus concentré.»

Ce n'est pas qu'une impression: le bureau actif stimule réellement l'attention, de même que la mémoire, selon une étude du Tech3Lab de HEC Montréal. On y a comparé un groupe de personnes assises à un autre d'utilisateurs du bureau actif. Pendant 40 minutes, tous devaient lire un texte tout en étant interrompus par la réception de courriels. À la fin, on évaluait ce qu'ils avaient retenu de leur lecture à l'aide d'un test écrit et on mesurait leur attention en les soumettant à un électroencéphalogramme. Résultat: les marcheurs ont mieux réussi que les autres.

Après coup, les marcheurs ont révélé se sentir eux-mêmes plus attentifs, un facteur important, selon Élise Labonté-LeMoyne, la chercheuse postdoctorale qui a dirigé le projet. «Le fait de se percevoir meilleur est un sentiment indispensable pour motiver les gens à adopter une nouvelle technologie», observe-t-elle.

La chaise, aussi nocive que la cigarette

Les résultats de l'étude sont très encourageants, affirme Élise Labonté-LeMoyne, car ils apportent de l'eau au moulin des adeptes du bureau actif. D'autres recherches ont déjà prouvé ses bénéfices pour le tonus musculaire, la dépense calorique, la posture, la circulation sanguine et le métabolisme. «Mais plusieurs se questionnaient sur les répercussions sur la productivité, signale la chercheuse. N'est-il pas distrayant de marcher en travaillant? Voilà qui prouve le contraire.»

Le bureau actif devient une solution de rechange pertinente à la chaise, considérée depuis quelque temps comme aussi nocive pour la santé que la cigarette. En effet, en position assise, le corps hiberne: la circulation sanguine ralentit, le taux de glycémie s'accroît et le niveau de bon cholestérol chute. Les risques de diabète, de maladies cardiovasculaires et de cancer augmentent du même coup, selon les travaux du Dr James Levine, de la clinique Mayo, aux États-Unis. Une étude publiée en 2012 dans la revue Archives of Internal Medicine a établi que les gens assis huit heures par jour courent un risque 15% plus élevé de mourir prématurément. Or, avec la sédentarisation du travail, une large partie de la population a les fesses vissées sur une chaise entre 7,5 et 11 heures par jour.

À moins d'avoir des problèmes physiques importants, tout le monde peut utiliser le bureau actif. Certains, comme Jeremy Kenemy, y passent presque toute leur journée de travail. D'autres y grimpent au besoin. C'est le cas de Jill Barker, 55 ans, qui signe des chroniques sur le conditionnement physique dans le quotidien The Gazette. Elle utilise le sien quelques fois par semaine, à raison de séances d'une heure. «Même si je m'entraîne régulièrement, j'ai besoin de marcher en travaillant, ajoute-t-elle. Ça permet de m'aérer l'esprit.»

Élise Labonté-LeMoyne recommande de marcher une heure en matinée et une heure en après-midi. Elle-même fait usage du bureau actif de son laboratoire. «C'est un remède garanti contre le coup de barre d'après-midi!», assure-t-elle.

Il est possible d'accomplir la plupart des tâches de bureau en marchant, à l'exception de celles qui exigent un niveau élevé de concentration.

Le bureau actif demeure peu répandu au Québec. Mais ce n'est qu'une question de temps avant qu'on ne l'adopte, croit Élise Labonté-LeMoyne. «Bien sûr, ce n'est pas donné: une bonne machine coûte environ 3000$, convient-elle. Les employeurs auraient toutefois intérêt à investir dans une telle technologie. Un bon compromis consiste à en acheter quelques-uns, qui seront équipés d'ordinateurs que les employés utiliseront à tour de rôle. En fin de compte, ils économiseraient de l'argent, car des employés en meilleure santé s'absentent moins et sont plus efficaces.»