Une douzaine de fois par an, Jacques Stuart quitte Montréal pour l'un des villages autochtones du Nord-du-Québec.

L'avocat de la défense de 53 ans travaille presqu'exclusivement à la cour itinérante.

Depuis 1974, juges, procureurs de la Couronne ou bien encore greffiers volent de village autochtone en village autochtone. Cette cour itinérante siège une trentaine de fois par an.

Chaque fois, Me Stuart passe une semaine au Nunavik. La première journée est réservée uniquement aux comparutions et aux pro forma, les auditions se font plus tard dans la semaine. Une autre journée est consacrée aux dossiers de protection de la jeunesse et pendant un ou deux jours, il se rend dans une communauté plus éloignée par avion nolisé.

Toute la cour, les avocats, les détenus voyagent ensemble et dorment dans le même hôtel. «J'ai déjà eu à partager une chambre avec un procureur de la Couronne. Les relations sont très cordiales entre nous tous même si l'on a des prises de becs en cour, raconte-t-il. On doit se déplacer avec tout notre système d'enregistrement, nos scanners pour numériser les dossiers, mais aussi notre nourriture. Seuls quelques villages ont un restaurant.»

«Il y a beaucoup de déplacements et la personne la plus importante du système judiciaire dans le Nord est sûrement l'organisateur de cour. Il doit parer à l'imprévisible. Il y a souvent des problèmes de verglas, des blizzards, des bris mécaniques et il doit avoir une solution de secours, trouver rapidement un hôtel où passer la nuit», explique Jacques Stuart.

Le Nunavik ne possède aucune prison ou centre de détention. Les prévenus sont incarcérés à Amos. Mais le plus souvent, quand quelqu'un est arrêté, il est mis en liberté sous conditions.

La cour siège dans trois palais de justice: à Kuujjuaq, à Puvirnituq ainsi qu'à Whapmagoostui. «Dans les autres communautés, elle s'installe dans les centres communautaires et parfois même dans des arénas ou des gymnases d'école où il fait froid et qui créent de l'écho. On prend ce qui est disponible. J'ai même vu une salle de bains transformée en bureau. Mais les salles sont de plus en plus adéquates», estime Me Stuart.

«Avant, il arrivait que l'on siège jusqu'à minuit ou 1h pour s'occuper d'un maximun de dossiers, mais maintenant, les journées commencent vers 9h et finissent vers 19h. Les délais de traitement sont assez bons dans le Nord.»

Chaque semaine passée au Nunavik, Jacques Stuart s'occupe de plusieurs dizaines de dossiers. «J'ai eu 405 dossiers un jour à Salluit, rien que l'appel du rôle c'est-à-dire appeler les noms des accusés, ça a pris deux heures et demi. Il faut faire vite», se rappelle Me Stuart.

La majorité des causes traitées au Nunavik sont des voies de fait, des cas de conduite avec facultés affaiblies, des entrées par infraction, des agressions sexuelles ou du trafic de stupéfiant. «Les dossiers les plus difficiles à traiter sont ceux de la protection de la jeunesse, c'est très dur», raconte-t-il.

«Le plus gratifiant dans mon travail d'avocat de la défense est de gagner une cause qui semblait impossible, d'éviter les incarcérations alors que le système impose un minimum d'emprisonnement pour de plus en plus de délits.»