Une poignée d'acériculteurs dissidents ont manifesté devant l'Assemblée nationale vendredi en appui à un rapport qui recommande la déréglementation de la production de sirop d'érable.

Ils ont dénoncé le «climat de peur» instauré par la Fédération des producteurs acéricoles (FPAQ), affiliée à l'Union des producteurs agricoles (UPA), et ont appelé à la fin de ce monopole syndical, dont ce rapport pourrait être le prélude.

Selon leurs dires, ils voulaient ainsi inciter le ministre de l'Agriculture, Pierre Paradis, à mettre en oeuvre le rapport controversé commandé à Florent Gagné.

Ce document recommande notamment d'abolir le contingentement de la production de sirop, en d'autres mots de mettre fin au système de quotas qui limite la production.

Les acériculteurs réunis vendredi voulaient contrer le discours de la FPAQ, qui s'oppose au rapport Gagné. Ce combat est mené entre autres par l'Union paysanne, une association qui veut mettre fin au monopole de la représentation de l'UPA dans le domaine agricole.

«Quand la Fédération sort dans les médias et s'assoit avec M. Paradis, ça nous coupe le cou, parce que l'UPA est plus forte que le gouvernement», a dit une productrice de sirop, Angèle Grenier, dans une conférence de presse vendredi après la manifestation.

«Il faut prouver au monde, aux consommateurs, au gouvernement, qu'on appuie le rapport.»

La Fédération n'est plus représentative des acériculteurs, a affirmé Daniel Gaudreau, un acériculteur représentant de l'Union paysanne. Son association regrouperait environ une centaine d'acériculteurs.

La FPAQ dit représenter 13 500 membres, mais le groupe de dissidents font valoir qu'au moins 25 % des producteurs sont mécontents et que les autres n'osent pas s'afficher en raison du «climat de peur».

«Ce n'est pas vrai qu'on est seulement trois ou quatre, a déclaré M. Gaudreau. C'est le régime de peur qui fait qu'on n'est pas plus. Ils ont peur de se pointer, de se faire poursuivre. Pour l'UPA, c'est facile de contacter du monde, ils ont leurs listes.»

Un autre des acériculteurs partisans du rapport Gagné, Vincent Kelhetter, a soutenu que le rapport Gagné était au fond une première étape vers la fin du monopole syndical et du contingentement des productions agricoles.

«Ça n'a plus aucun bon sens, ça nous prend la pluralité syndicale, a-t-il dit en conférence de presse. C'est une bonne période d'échauffement. On savait que l'UPA allait réagir. Ce rapport-là, il va être valable pour tous les secteurs.»

L'avocat qui représente le groupe, Michel Pouliot, a dit ensuite qu'il ne «voudrait pas qu'on mélange toutes les productions agricoles. Les producteurs de lait ne devraient pas avoir peur pour leurs quotas».

Le baril de sirop vaut plus que 10 plus cher que le baril de pétrole, a-t-il fait valoir, or on limite la production des acériculteurs québécois, qui sont les plus gros producteurs au monde.

«On demande à vendre pas de contingentement, pas de quotas, dans tous les supermarchés. Imaginez que l'Alberta produit du pétrole et eu que le pétrole serait seulement produit en Amérique du Nord. Pensez-vous que l'Alberta adopterait des quotas pour limiter sa production? C'est impensable.»

Me Pouliot a soutenu que les producteurs d'autres États américains ou provinces canadiennes sont mieux payés qu'au Québec sous un régime contingenté, que M. Gaudreau a qualifié de «régime soviétique».

«On se tire dans le pied, a dit Me Pouliot. On a laissé croire que parce qu'on était protégé par un système commun, on ferait plus d'argent, ce qui n'est pas vrai, les producteurs d'ailleurs font plus d'argent.»

Le rapport Gagné souligne que l'industrie acéricole du Québec a perdu 10 % des parts du marché mondial depuis 10 ans et que si rien n'est fait, elle pourrait perdre un autre 10 % d'ici à 2025. Et pendant que l'industrie québécoise est menottée par trop de règles et de contraintes, les Américains gagnent du terrain et des parts de marché, sans avoir de telles règles.

Sa principale recommandation est celle d'abandonner le système de contingentement de la production d'eau d'érable, de concentré et de sirop d'érable pour instaurer un système moins restrictif.

De même, il recommande que la Fédération révise ses pratiques afin que la production et la vente de sirop qui ne sont pas visées par le Plan conjoint puissent se faire en toute liberté et sans tracas administratif pour le producteur.

M. Gagné suggère également de soustraire du Plan conjoint la production et la mise en marché du sirop vendu par un producteur à un intermédiaire en petits contenants, soit de moins de cinq litres.

Il recommande aussi d'accorder à un producteur acéricole le droit de se retirer du système de mise en marché collective. Ce droit devrait être accordé par la fédération lorsque le producteur accepte de payer des frais équivalant à ceux qui sont fixés pour les producteurs qui participent au plan. Il devrait aussi se soumettre aux conditions d'inspection et de classement des produits.