Qu’est-ce que les camionneurs péruviens, les débardeurs canadiens et les travailleurs de l’auto américains peuvent bien avoir en commun ? C’est d’avoir fait la grève au cours des derniers mois.

Les mouvements de grève se multiplient partout dans le monde. Les employés d’Amazon ont perturbé le Vendredi fou (Black Friday) aux États-Unis, les travailleurs ont déposé leurs outils en Afrique du Sud et en Corée du Sud Les médecins et les infirmières britanniques ont aussi cessé de travailler pour revendiquer de meilleures conditions de travail.

De l’ouvrier d’usine aux scénaristes de Hollywood, le ras-le-bol est généralisé.

Les travailleurs de tous les horizons se rebellent surtout pour une raison : l’inflation. La hausse des prix de l’énergie, des aliments et du logement frappe partout, mais pas avec la même intensité. L’inflation varie selon les pays et il y a des catégories de travailleurs qui en souffrent plus que d’autres.

C’est le cas des travailleurs syndiqués, dont les salaires sont généralement fixés par un contrat de travail qui couvre plusieurs années. Contrairement aux non-syndiqués, dont les salaires peuvent être ajustés annuellement pour tenir compte de la réapparition en force de l’inflation, les travailleurs assujettis à une convention collective ont vu leur pouvoir d’achat fondre plus rapidement.

Au Canada, l’écart entre le salaire moyen des employés assujettis à une convention collective et les autres atteint maintenant 7 %, selon les économistes de la Banque Royale.

Le nombre de jours de travail perdus en raison d’un conflit de travail est reparti à la hausse partout dans le monde. Il était en baisse constante ces dernières années dans les pays membres de l’OCDE. Le nombre de jours de travail perdus affichait une tendance à la baisse même en France, championne incontestée des grèves sur le continent européen et probablement dans le monde. La dernière année de statistiques ne tient pas compte des plus récentes manifestations contre la réforme des régimes de retraite dans ce pays.

La réduction du pouvoir d’achat et la question salariale sont au cœur de la rébellion récente des travailleurs. La démographie offre aussi une part d’explication. La population est vieillissante et les pénuries de main-d’œuvre se généralisent dans le monde. En conséquence, les travailleurs ont un pouvoir de négociation meilleur que jamais et un nombre croissant d’entre eux descendent dans la rue pour tenter d’améliorer leur sort.

Il y a peut-être un retour du balancier à l’horizon pour les syndicats, dont le poids économique et l’influence avaient grandement diminué ces dernières années. Le règne de l’individualisme et de la méritocratie commence peut-être à faiblir, après des années de mondialisation qui ont engendré beaucoup de richesse, mais aussi beaucoup d’inégalités.

C’était assez surprenant d’entendre la semaine dernière le président américain, Joe Biden, dire aux travailleurs de l’automobile en grève qu’ils avaient raison de réclamer une augmentation de 40 % de leur rémunération sur quatre ans. Vos employeurs ont fait le plein de profits au cours des dernières années, c’est à votre tour, leur a-t-il dit en substance.

Au-delà des salaires, les valeurs d’inclusion et d’équité que défendent les syndicats peuvent séduire de plus en plus de travailleurs, surtout chez les plus jeunes. Il est trop tôt pour prévoir une hausse du taux de syndicalisation dans le monde, mais l’année 2023 marque un retour en force des valeurs syndicales.

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  • -9 %
    C’est la baisse du taux de syndicalisation au Canada entre 1981 et 2022.
    Source : Statistique Canada