L’économie du Canada et du Québec continue de s’affaiblir et devrait entrer en récession à la fin de l’année, selon les prévisions révisées de Desjardins. Quant à la pénurie de logements, elle est là pour de bon, selon son économiste en chef Jimmy Jean qui a fait le point mercredi.

La construction n’est pas la seule solution

L’abolition de la TPS sur les nouveaux logements locatifs est une « bonne idée », selon Jimmy Jean, qui devrait donner un répit aux constructeurs aux prises avec l’augmentation des coûts de la main-d’œuvre et des matériaux. Mais la construction n’est pas la seule solution à la pénurie de logements, selon lui. Il faut trouver des solutions créatives parce que construire 500 000 logements par année, ce qu’il faudrait selon l’estimation de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) pour régler la pénurie de logements, « ça n’arrivera pas », estime-t-il. « Il y a des efforts à faire au niveau de la densification des constructions existantes, de la conversion d’immeubles comme les centres commerciaux, et pour mettre un frein à la location à court terme qui réduit le nombre de logements pour la population. »

Pas de récession douloureuse

La récession prévue par Desjardins au début de l’année a été retardée, mais elle devrait arriver au cours des prochains mois. Le Québec vient de connaître un recul de 1,9 % de son PIB au deuxième trimestre, une performance pire que celle de la moyenne canadienne de - 0,2 % pour la même période. La détérioration de l’économie québécoise est déjà amorcée et devrait se poursuivre jusqu’au début de 2024, selon Jimmy Jean. Les taux d’intérêt élevés, une inflation plus forte que la moyenne canadienne et la fin des mesures de soutien du gouvernement forceront les ménages à se serrer la ceinture, et les entreprises auront du mal à soutenir l’économie. La récession ne sera pas trop douloureuse, mais la reprise risque de l’être davantage, selon l’économiste en chef de Desjardins.

Le taux de chômage à 6 %

Desjardins prévoit que la faiblesse généralisée de l’économie québécoise finira par faire grimper le taux de chômage de son niveau actuel de 4,3 % jusqu’à 6 % ou 6,5 % en 2024. L’emploi devrait fléchir au cours des prochains mois en raison de la contraction du PIB, et ce, jusqu’au printemps 2024. Le nombre de chômeurs augmentera au Québec. « Ce ne sera pas la catastrophe », estime Jimmy Jean, mais certains secteurs d’activité souffriront davantage. Les pertes d’emplois seront concentrées dans tout le secteur de la consommation discrétionnaire, comme la restauration, les arts et le divertissement ou le commerce de détail. « Ce sont des secteurs très exposés au ralentissement de l’économie. »

Les baisses de taux attendront

La Banque du Canada pourrait commencer à réduire son taux directeur seulement au printemps prochain, selon Desjardins. Et le répit ne sera pas énorme, prévient Jimmy Jean. « Les taux ont monté en ascenseur, mais ils vont descendre en escalier », illustre-t-il. D’ici là, la probabilité d’une nouvelle hausse des taux d’intérêt est limitée, estime-t-il. La Banque du Canada va peut-être continuer à faire miroiter d’autres hausses de taux pour éviter que les marchés s’emballent et que le secteur immobilier reprenne, comme ça s’est produit lorsqu’elle a fait sa première pause en mars dernier. Ce signal devrait disparaître du discours de la banque centrale d’ici la fin de l’année, croit l’économiste. Desjardins prévoit que la Banque du Canada commencera à réduire son taux directeur avant que l’inflation soit revenue à la cible de 2 %, ce qui n’arrivera pas avant 2025.

Le paradoxe boursier

Les marchés boursiers ont connu une année étonnante jusqu’à maintenant, avec une ascension qui a déjoué les pronostics. L’indice phare de la Bourse de New York, le S&P 500, qu’on attendait aux alentours de 3500, dépasse le cap de 4000 et certains le voient à plus de 5000. Ce n’est pas le cas de Desjardins. « Si on enlève les sept plus grandes capitalisations de l’indice, la Bourse est à plat, ce qui est sensé dans le contexte actuel », estime Jimmy Jean. Les entreprises liées au secteur de l’intelligence artificielle bénéficient d’un engouement certain, mais les profits [des autres] sont en baisse depuis quatre trimestres consécutifs. Ça ne peut pas continuer, selon lui. « On continue de penser qu’il y aura une chute de la Bourse. »