Alors que l’économie canadienne montre de plus en plus de signes de faiblesse, l’inflation s’est accélérée en août pour le deuxième mois consécutif. Après une hausse de 3,3 % en juillet, l’indice des prix à la consommation (IPC) affiche une augmentation de 4 % en août – un bond qui s’élève depuis deux ans à plus de 11 %.

Deux années de hausse

Depuis que l’inflation est réapparue dans le paysage canadien, il y a deux ans, la hausse cumulative du coût de la vie atteint maintenant 11,3 %. Il s’agit d’une hausse moyenne des principales composantes de l’IPC qui recouvre une réalité différente selon les habitudes de consommation de chaque ménage (voir tableau).

Pendant la même période, la hausse du salaire horaire moyen a atteint 10,3 %, ce qui indique que le pouvoir d’achat des ménages a été amputé par la hausse des prix.

Le cas du Québec

Au Québec, le taux d’inflation a atteint 4,6 % en août, soit un niveau plus élevé que la moyenne canadienne de 4 %. Les prix augmentent plus rapidement au Québec, c’est une tendance qui s’observe depuis plusieurs mois, selon la directrice générale de l’Institut du Québec, Emna Braham.

« Pendant la pandémie, les salaires ont aussi augmenté plus rapidement que l’inflation au Québec, explique-t-elle. Mais plus récemment, ç’a été l’inverse, les deux augmentent rapidement. »

Si on remonte plus loin dans le temps, on voit que les hausses de salaire plus élevées au Québec ont contribué à maintenir le pouvoir d’achat des ménages québécois, mais « c’est moins clair actuellement », dit-elle.

« Tout le monde est confronté à l’inflation, mais ce n’est pas tout le monde qui augmente de salaire. »

Le taux d’inflation annuel a été supérieur à la moyenne nationale au Québec (+ 4,6 %) et en Alberta (+ 4,3 %), tandis qu’il a été inférieur à cette moyenne en Ontario (+ 3,8 %) et en Colombie-Britannique (+ 3,8 %).

Pour le deuxième mois d’affilée

L’accélération de l’inflation en août a dépassé les prévisions des économistes, qui s’attendaient à une hausse de 3,8 % de l’indice des prix à la consommation. À 4 %, le taux annuel d’inflation est actuellement deux fois plus élevé que la cible de 2 % que s’efforce d’atteindre la Banque du Canada avec ses hausses de taux d’intérêt.

La hausse de l’IPC est surtout due aux prix de l’essence, selon Statistique Canada, de même qu’au prix du loyer et à l’intérêt hypothécaire. Mais les prix ont augmenté partout, soulignent les économistes de la Banque Nationale. « La résurgence de l’inflation au Canada cet été ne se limite pas à l’énergie, affirment Matthieu Arseneau et Alexandra Ducharme. De juillet à août, les huit principales catégories de prix ont augmenté à un rythme annualisé supérieur à la cible de la Banque du Canada. »

Ça ralentit à l’épicerie

Après une augmentation à rythme annuel de 8,5 % en juillet, les prix des aliments achetés dans les épiceries sont en hausse de 6,9 % en août. La croissance des prix des aliments reste élevée, mais elle ralentit. Sur une base mensuelle, les prix dans les épiceries ont reculé de 0,4 % en août, souligne Statistique Canada. Les prix des fruits frais, du poulet et des céréales augmentent moins vite tandis que l’inflation s’accélère pour le bœuf (+ 11,9 %), le café et le thé (+ 9,0 %), et le sucre et les confiseries (+ 10,9 %).

L’inflation de base grimpe aussi

L’inflation globale telle que mesurée par l’IPC ne dit pas tout. Les mesures de l’inflation fondamentale, soit la hausse des prix sans les éléments les plus volatils comme l’essence et l’alimentation, vont toutes dans la mauvaise direction.

« Les chiffres de l’inflation du mois d’août semblent pires encore lorsqu’on creuse plus loin dans les données », estime Randall Bartlett, l’économiste de Desjardins. Les deux mesures suivies de près par la Banque du Canada, l’IPC médian et l’IPC tronqué, ont augmenté d’un point de pourcentage en moyenne annualisée sur trois mois en août, note-t-il, pour atteindre respectivement 4,4 % et 4,6 %. « Il s’agit du rythme de croissance des prix de base à court terme le plus rapide depuis le mois d’avril », souligne-t-il.

Le doigt sur la détente

Le portrait de l’inflation du mois d’août ne facilite pas la tâche de la Banque du Canada, qui s’est dite prête à recommencer à augmenter les taux d’intérêt si les prix restent à leur niveau actuel. Ce serait une erreur, selon les économistes de la Banque Nationale. « Compte tenu du délai dans la transmission et du niveau extrêmement restrictif de la politique monétaire, nous continuons de penser que de nouvelles hausses de taux sont périlleuses », estiment-ils.

L’économie qui ralentit et le taux de chômage qui augmente devraient finir par réduire l’inflation, mais « la probabilité que la banque appuie à nouveau sur la gâchette a considérablement augmenté ce matin », selon eux.

La prochaine décision sur les taux est le 25 octobre. D’ici là, les dirigeants de la Banque du Canada auront eu un nouveau portrait du marché du travail et une autre lecture de l’inflation à digérer. La probabilité que le taux directeur augmente encore reste élevée, estime de son côté Derek Holt, économiste en chef de la Banque Scotia. Ceux qui croient que l’inflation est contrôlée et que la Banque du Canada en a fini avec les hausses de taux ont tort, affirme-t-il dans son analyse.