(Ottawa) Convoqués à Ottawa par le ministre de l’Industrie, François-Philippe Champagne, les patrons des cinq grandes chaînes de supermarchés devraient présenter d’ici trois semaines un plan pour freiner la hausse du prix du panier d’épicerie. Le gouvernement maintient cependant sa menace d’imposer des mesures fiscales.

« Je dirais que c’est une journée historique », s’est enthousiasmé le ministre Champagne, lundi.

Car jamais les dirigeants des grandes chaînes d’alimentation n’avaient été convoqués par le gouvernement, et à l’issue de la rencontre d’environ deux heures, « ils sont engagés formellement à appuyer le gouvernement du Canada dans nos efforts pour stabiliser les prix au Canada », a-t-il souligné.

Les patrons devront « individuellement » accoucher de « plans très concrets » d’ici l’Action de grâce, comme prescrit par Ottawa. Et si leurs propositions ne sont pas au goût du gouvernement, une intervention fiscale est toujours « sur la table », a indiqué le ministre Champagne.

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Le ministre de l’Industrie, François-Philippe Champagne

Celui à qui Justin Trudeau a confié cette mission veut élargir la discussion aux manufacturiers internationaux. « Les Unilever, les Nestlé, les PepsiCo […] aussi ont un rôle à jouer pour aider les Canadiens », a-t-il plaidé, en affirmant qu’il entendait convoquer cette semaine « autour de cinq à dix » d’entre eux.

Le ministre, qui se penche sur les interventions faites par le Royaume-Uni et la France pour mater les géants de l’industrie, a affirmé qu’il serait prêt à aller jusqu’à « embarrasser publiquement ceux qui ne veulent pas faire partie de la solution ».

Des patrons parlent, d’autres se défilent

Les PDG des grandes enseignes ont été plutôt avares de commentaires, lundi. « On doit stabiliser les prix », a lâché en marchant d’un bon pas le patron de Sobeys/Empire, Michael Medline, après la rencontre avec le ministre Champagne et sa collègue aux Finances, Chrystia Freeland.

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Le patron de Sobeys/Empire, Michael Medline

Le PDG de Metro, Éric La Flèche, a assuré que les épiciers travaillaient « fort tous les jours pour réduire les prix le plus qu’on peut ». Mais le fait est que « c’est une chaîne d’approvisionnement, et on est le dernier lien de cette chaîne », a-t-il argué.

« Les prix montent pour les fournisseurs, les fermiers, tout le monde. Tout le monde subit l’inflation. Nous, on est au bout de la chaîne, et c’est pour ça qu’il y a des prix de détail qui ont augmenté », a ajouté M. La Flèche, en soulignant que les marges de profit des grands épiciers, elles, n’ont pas grimpé.

Les trois autres dirigeants qui avaient été convoqués à Ottawa – Galen Weston, de Loblaws, Gonzalo Gebara, de Walmart Canada, et Pierre Riel, de Costco Canada – se sont faufilés à l’extérieur de l’édifice à l’issue de la réunion. À leur arrivée, ils étaient passés en coup de vent, sans piper mot.

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Galen Weston, PDG de Loblaws

L’opposition sceptique

Chez les partis de l’opposition, le scepticisme règne.

« Est-ce que je pense que les épiceries font trop de profit ? C’est évident qu’elles font plus d’argent qu’elles ne le devraient ! C’est ce qui arrive quand les gouvernements impriment de l’argent et causent de l’inflation », a lâché le chef conservateur Pierre Poilievre à la veille de la rentrée parlementaire, dimanche.

Il a tourné en dérision la convocation des patrons des chaînes de supermarchés. Selon lui, on n’assiste à rien de plus qu’une « opération de relations publiques », un « théâtre politique » mis en scène par un « acteur » qui devrait plutôt prendre des « actions », a-t-il raillé en faisant référence à Justin Trudeau.

« Demander à des PDG comme Galen Weston d’arrêter d’augmenter les prix, c’est comme demander à Pierre Poilievre de s’attaquer à la crise climatique. Nous savons tous que cela n’arrivera pas et que ce n’est qu’un spectacle », a pour sa part ironisé le néo-démocrate Alistair MacGregor dans un communiqué, lundi.

La dégringolade estivale des libéraux dans les sondages a peut-être incité ceux-ci à enfin bouger après n’avoir « à peu près rien fait depuis un an et demi, deux ans », a analysé le bloquiste Alain Therrien. N’empêche, le gouvernement « a un rôle à jouer », estime-t-il.

On ignore quelle forme cela pourrait prendre. Pourrait-on imposer aux épiceries une surtaxe sur les « profits excessifs », tel que l’a déjà réclamé son partenaire de danse, le Nouveau Parti démocratique ? Rien n’a filtré sur les intentions libérales jusqu’à présent.

Selon Sylvie Cloutier, présidente du Conseil de la transformation alimentaire du Québec, le gouvernement fédéral « doit avoir des solutions sur lesquelles ils ont du contrôle », et « ils n’ont pas le contrôle sur les plans des détaillants et des distributeurs ».

Avec Stéphanie Bérubé, La Presse