Lorsqu’on parle d’une saine gestion de l’économie, on fait souvent référence à un taux d’inflation cible, pour la majorité des banques centrales, de 2 %. J’aimerais connaître les arguments justifiant ce taux. Pourquoi ce n’est pas 1 % ou 3 % ? – Ernest Desrosiers 

Les banques centrales des pays industrialisés ont adopté une cible d’inflation de 2 % assez récemment, explique l’économiste Jocelyn Paquet, de la Banque Nationale, à qui nous avons demandé de nous aider à répondre à votre question. C’est apparu dans les années 1990, quand l’inflation est devenue un problème dans la plupart des pays. L’inflation incontrôlée, rappelle-t-il, est très nuisible à l’économie parce que les consommateurs s’empressent de consommer de peur que les prix des biens ne continuent d’augmenter, ce qui accélère l’inflation, pendant que les entreprises ralentissent leurs investissements parce que ça leur coûte de plus en plus cher.

La quête d’une certaine stabilité des prix s’est donc imposée comme l’ingrédient nécessaire à la croissance économique, avec comme corollaire l’établissement d’une cible qui assurerait cette stabilité.

Alors pourquoi 2 % ? C’est la banque centrale de la Nouvelle-Zélande qui, la première, a jugé que 2 % était une cible acceptable, explique Jocelyn Paquet.

C’était un peu arbitraire à l’époque, mais même après des centaines d’études sur le sujet, la cible de 2 % s’est imposée.

Jocelyn Paquet, économiste à la Banque Nationale

Cette cible ne pouvait pas être zéro, précise-t-il, parce que les banques centrales ont besoin d’une marge de manœuvre pour intervenir efficacement en cas de crise avec leur outil principal, la fixation des taux d’intérêt. « Si la cible est à zéro, en cas de récession, les banques centrales pourraient être forcées de fixer des taux d’intérêt négatifs, ce qui entraîne d’autres problèmes comme la déflation. »

De même, une cible supérieure, de 4, 5 ou 6 %, risque d’avoir pour effet de pousser l’inflation à la hausse. « Un taux d’inflation élevé entraîne généralement une inflation élevée », dit l’économiste.

La cible de 2 % a donc été considérée comme adéquate, et la Banque du Canada l’a adoptée pour la première fois en 1991, suivie par la Banque d’Angleterre et, plus récemment, par la Réserve fédérale américaine.

Relever le taux ?

Viser un taux d’inflation de 2 %, soit plus précisément une variation des prix contenue dans une fourchette de 1 % à 3 %, s’est avéré une bonne stratégie pour le Canada. Au cours des 30 dernières années, les prix sont demeurés à l’intérieur de cette fourchette, et la roue de la croissance a tourné sans trop de heurts.

Avec la réapparition de l’inflation l’an dernier, de plus en plus de voix s’élèvent pour dire que ce seuil devrait être relevé pour tenir compte du contexte économique plus inflationniste, dû notamment au vieillissement de la population et aux changements climatiques.

Ce serait une erreur de changer de cible d’inflation maintenant, estime l’économiste de la Banque Nationale. « L’efficacité de la politique monétaire dépend de la crédibilité des autorités monétaires. Changer la cible d’inflation en plein combat contre la hausse des prix enverrait le message que les banques centrales sont incapables de respecter leur engagement à revenir à la cible de 2 % », explique-t-il.

Selon lui, la question de relever ou non la cible d’inflation peut certainement être débattue, mais les banques centrales doivent d’abord prouver qu’elles sont capables de ramener l’inflation à la cible. Même si ça fait mal. Parce que changer leur engagement en chemin pourrait faire encore plus mal.