Le secteur de l’aluminium est une des premières victimes de la hausse brutale du prix de l’énergie en Europe, où les premières fermetures de fonderies ont été annoncées. Et d’autres suivront, ce qui aura un impact sur les autres producteurs de métal ailleurs dans le monde.

« La crise est en train de changer complètement la donne dans l’industrie », estime Jean Simard, président et chef de la direction de l’Association canadienne de l’aluminium, qui regroupe les producteurs canadiens Rio Tinto, Alcoa et Alouette, responsables de 5 % de la production mondiale.

Selon le Financial Times de Londres, les prix élevés de l’énergie ont déjà forcé les entreprises européennes à réduire de 50 % leur production d’aluminium et de zinc. Les industries grandes consommatrices d’aluminium, comme l’aérospatiale et l’automobile, devront donc se tourner vers les importations.

De ce côté-ci de l’Atlantique, il est peu probable que le secteur québécois de l’aluminium bénéficie des malheurs des producteurs européens. D’une part, la crise énergétique précipitera les économies européennes en récession, ce qui réduira la demande mondiale pour l’aluminium, explique Jean Simard.

D’autre part, les alumineries québécoises, qui produisent 90 % du métal canadien, fonctionnent déjà à plein rendement et leur capacité d’exporter en Europe est limitée.

On pourrait être tentés de penser que ça créera des opportunités [pour les alumineries québécoises], mais ce n’est pas le cas.

Jean Simard, président et chef de la direction de l’Association canadienne de l’aluminium

Les alumineries du Québec produisent déjà à 93 % de leur capacité. Les entreprises font déjà tout ce qu’elles peuvent pour maximiser leur production avec l’énergie dont elles disposent.

Dans la dernière année, Alcoa a investi 63 millions pour augmenter la production de son usine de Deschambault et Rio Tinto a accru de 25 000 tonnes par année la production de son usine d’Arvida, au Saguenay.

Les prochains investissements pour augmenter significativement la production au Québec sont liés à la nouvelle technologie de production à faible empreinte carbone actuellement en développement au Saguenay, selon Jean Simard.

Impact limité

Si l’Europe plonge dans une profonde récession et que la Chine, aux prises avec des problèmes de sécheresse qui réduisent sa capacité de production d’aluminium, absorbe l’aluminium russe frappé par les sanctions internationales, l’impact au Québec de ce bouleversement de l’industrie de l’aluminium devrait donc être limité.

« Il ne faut pas perdre de vue que le marché nord-américain est le marché le plus important pour nous », souligne Jean Simard.

La plus grande partie de l’aluminium produit au Québec, soit plus de 80 %, est exportée sur le marché américain, où la demande ne faiblit pas. Au contraire, elle pourrait même augmenter avec le plan récemment adopté par l’administration Biden, l’Inflation Reduction Act, qui prévoit des investissements massifs dans les énergies vertes.

« Je vois ça positivement » pour le secteur de l’aluminium au Canada, dit Jean Simard.

En attendant les retombées possibles du plan Biden, les producteurs d’aluminium présents au Canada engrangent les profits alimentés par le prix élevé du métal sur le marché international.

Pour la première moitié de 2022, Rio Tinto affiche des profits de 1,5 milliard US dans son secteur de l’aluminium, en hausse de 68 % comparativement à la même période l’an dernier.

Alcoa rapporte de son côté que son profit net des deux derniers trimestres est passé de 484 millions US l’an dernier à plus de 1 milliard US en 2022.

En savoir plus
  • 4000 $ US
    Le prix de l’aluminium a atteint 4000 $ US la tonne en mars 2022 à la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Depuis, la tonne de métal se négocie entre 2350 et 2450 $ US.
    source : Bloomberg