(Québec) En raison du laxisme du fisc, pas moins de 365 millions de dollars ont échappé au trésor public en 2020 parce que la taxe de vente du Québec (TVQ) n’a pas été perçue sur des achats en ligne faits auprès de fournisseurs étrangers. Les pertes fiscales sont toujours importantes pour Québec malgré un tour de vis donné en 2019.

C’est ce que révèle la vérificatrice générale du Québec, Guylaine Leclerc, dans un rapport déposé à l’Assemblée nationale mercredi.

Elle blâme Revenu Québec pour sa piètre gestion des nouvelles règles qui visent à limiter ces pertes et qui s’appliquent progressivement depuis 2019. Elle souligne qu’en plus de priver l’État de centaines de millions en revenus, le laxisme du fisc cause une « iniquité à l’égard des entreprises québécoises ».

« La non-perception de la taxe de vente du Québec sur les ventes de biens et de services effectués par des fournisseurs hors Québec à des consommateurs entraîne des pertes fiscales importantes. Ces pertes sont estimées à environ 270 millions pour 2017 et 365 millions pour 2020 », signale la vérificatrice.

Elle rappelle le rôle de Revenu Québec de « veiller à ce que cette taxe soit perçue par les fournisseurs hors Québec et qu’elle lui soit remise ».

Perception obligatoire

Depuis le 1er janvier 2019, les fournisseurs étrangers et exploitants de plateformes de distribution sont obligés de percevoir la TVQ auprès des consommateurs québécois pour les achats de biens incorporels ou de services (téléchargement de films ou de musique, par exemple). L’argent doit être remis au fisc.

Or, pour ce seul secteur, « il y aurait eu des pertes de 42,8 millions […] malgré l’entrée en vigueur de dispositions légales visant ces ventes en 2019 ». Les pertes ont tout de même diminué depuis 2018-2019, alors qu’elles atteignaient 99,6 millions cette année-là.

Mais c’est surtout pour les « biens corporels » que les pertes ont gonflé. Elles ont doublé en trois ans pour atteindre 318,6 millions.

En vertu d’une entente entre Québec et Ottawa, l’Agence des services frontaliers du Canada est responsable, pour le compte du gouvernement québécois, de la perception de la TVQ sur les biens provenant de l’étranger et livrés par courrier ou messagerie. Or, « Revenu Québec n’effectue pas de suivi adéquat des activités confiées » à l’agence fédérale et « administre de façon inadéquate l’entente ».

Ainsi, « malgré les mesures mises en place, le Québec subit toujours des pertes fiscales pour les biens provenant de l’étranger ». Des « indices laissent croire » que ces pertes sont « importantes », selon le rapport.

« Par exemple, de 2012 à 2020, la TVQ remise au gouvernement du Québec pour les biens transportés par courrier est restée stable (5,4 millions), alors que la valeur des achats en ligne et le nombre de colis expédiés au Canada à partir de l’étranger ont connu une augmentation significative. »

Les achats en ligne des consommateurs québécois sont passés de 6,6 à 20,9 milliards de 2014 à 2020.

Bien que la TVQ remise à Revenu Québec pour les biens livrés par messagerie ait augmenté au cours des années (pour atteindre 48,1 millions en 2020), des enjeux liés aux pratiques en place suggèrent que des pertes fiscales pourraient tout de même être associées à ces biens.

Guylaine Leclerc, vérificatrice générale du Québec

Depuis l’entrée en vigueur de nouvelles règles le 1er juillet 2021, la TVQ doit dorénavant être perçue sur des biens qui sont vendus par l’entremise de plateformes de distribution. « Bien que ces dispositions aient été introduites récemment, Revenu Québec doit améliorer ses contrôles afin d’augmenter la récupération fiscale sur ces biens », estime la vérificatrice générale. « Son encadrement de la mise en œuvre » de ces nouvelles règles est « insuffisant ».

Selon elle, « jusqu’à maintenant, Revenu Québec n’évalue pas adéquatement l’atteinte des objectifs des mesures, soit de limiter les pertes fiscales de ce secteur et de traiter équitablement les fournisseurs ». « Des indices nous portent à croire que les montants qui lui sont remis pourraient être plus élevés si certaines lacunes étaient corrigées. »

Lors d’une brève mêlée de presse, le ministre des Finances, Eric Girard, a répliqué que « le Québec est un leader au niveau de la taxation du numérique ». « Quant aux suggestions de la vérificatrice générale, on va tout prendre ça en compte », a-t-il ajouté.