La hausse rapide du prix de l’essence a pris les automobilistes au dépourvu et forcé les gouvernements à trouver des solutions pour en atténuer l’impact. Le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon, propose de plafonner le prix de l’essence à 1,60 $ le litre. Ailleurs, on a choisi de réduire les taxes ou opté pour une remise en argent directement à la pompe, avec des résultats mitigés.

« Il n’y a pas de méthode magique », observe Simon Langlois-Bertrand, associé de recherche à l’Institut de l’énergie Trottier.

Dans tous les cas, réduire le prix de l’essence n’aide pas les automobilistes à changer leurs habitudes et envoie un mauvais signal à l’environnement, mais ça peut être nécessaire quand une augmentation des prix touche une aussi grande partie de la population pour une période qu’on espère temporaire, estime-t-il.

« C’est la hausse la plus brutale qu’on n’a jamais eue », souligne le chercheur.

L’Alberta

Le gouvernement albertain a été prompt à réagir à l’augmentation des prix à la pompe en réduisant de 13 cents la taxe provinciale sur le litre d’essence le 1er avril. Le prix du litre d’essence ordinaire a baissé à 1,56 $, mais il a remonté depuis aux alentours de 1,71 $ à Calgary. C’est en Alberta que le prix de l’essence est le plus bas au Canada.

Le problème avec la réduction des taxes sur l’essence, c’est que celles-ci doivent revenir à leur niveau d’avant si les prix à la pompe redescendent.

Et ça, c’est difficile, observe Simon Langlois-Bertrand, « si on se met dans la peau du politicien qui va décider de remonter la taxe sur l’essence ».

Aussi, il faut surveiller si les intervenants de la chaîne de distribution accaparent une partie de la réduction de taxe plutôt que de la passer entièrement aux consommateurs. « C’est une situation fréquente qui me fait douter de l’efficacité de cette mesure. »

La France

En France, le gouvernement a décidé de remettre 18 centimes d’euro par litre d’essence lors de l’achat à la pompe. Là encore, dans un contexte de prix à la hausse, le risque existe qu’une partie de la remise ne se rende pas jusqu’aux consommateurs.

La mesure est entrée en vigueur le 1er avril et doit prendre fin le 31 juillet. Elle sera probablement prolongée, a indiqué le gouvernement français, mais sous une autre forme.

Le ministre français de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, a lui-même reconnu l’iniquité de la remise en argent, qui profite autant aux automobilistes à revenus élevés qu’à ceux qui en ont le plus besoin et qui doivent utiliser une voiture pour leur travail.

Simon Langlois-Bertrand explique que des mesures ciblées sont plus complexes à mettre en œuvre et que les gouvernements, en France comme ailleurs, ont dû agir dans l’urgence.

L’autre inconvénient de la remise en argent, c’est son coût élevé, estimé en France à entre 3 et 4 milliards d’euros (entre 4 et 5,4 milliards CAN).

Le Québec

Le coût prohibitif est aussi le problème majeur de la suggestion du chef péquiste Paul St-Pierre Plamondon de plafonner le prix du litre à 1,60 $. Pour le faire, il faudrait compenser les pétrolières pour la différence entre le prix courant, soit 2,15 $ actuellement, et 1,60 $. Cet écart de 0,55 $ appliqué à des ventes annuelles de 10 milliards de litres d’essence au Québec se traduirait par exemple par une facture de 5 milliards. « Ça fait énormément d’argent », dit Simon Langlois-Bertrand.

Faire payer les pétrolières avec une taxe sur les surprofits qu’elles réalisent est plus facile à dire qu’à faire, selon M. Langlois-Bertrand. « En fait, c’est très compliqué parce que ce sont des entreprises qui ont les moyens d’éviter ça. »

Le gouvernement québécois a choisi dans son dernier budget de verser directement aux consommateurs une somme de 500 $ pour les hausses de prix de plusieurs produits, dont l’essence. Ça peut être une meilleure option, dit le chercheur, à condition que la mesure soit mieux ciblée. « Le reproche qu’on lui fait, c’est que trop de gens y ont droit. Pour être efficace, il faut qu’une remise en argent soit versée à ceux qui en ont besoin. »

Quand on se compare…

Certains pays se préoccupent moins de l’impact de la flambée du coût du carburant parce qu’ils contrôlent déjà les prix à la pompe et les maintiennent à un niveau bas pour différentes raisons, dont la volonté de stimuler le développement économique. C’est le cas du Venezuela, où les prix à la pompe sont les plus bas sur la planète, à quelque 3 cents le litre.

Ceux qui peuvent se permettre une telle politique sont généralement des pays producteurs de pétrole, comme le Venezuela, la Libye et la Syrie, qui exportent au prix international et financent ainsi la consommation locale.

À l’autre bout du spectre, les pays qui paient l’essence le plus cher sont généralement ceux qui imposent les taxes les plus élevées, comme la Norvège, où il faut débourser plus de 3 $ le litre pour faire le plein. Ce prix élevé a contribué à faire de la Norvège le paradis des voitures électriques même si, comme le Canada, elle est un pays producteur de pétrole.

« En Amérique du Nord, les études prouvent depuis longtemps qu’il faudrait des prix très élevés, beaucoup plus élevés que les prix actuels et pendant très longtemps, pour provoquer des changements de comportement », avance Simon Langlois-Bertrand.