(Québec) La pénurie de main-d’œuvre est devenue le principal problème d’ordre économique au Québec, un phénomène qui ne fera que s’aggraver et dont le gouvernement Legault ne semble pas conscient, selon l’ex-ministre des Finances, le député libéral Carlos Leitão.

M. Leitão revendique une approche beaucoup plus musclée et à très court terme, un « plan détaillé et cohérent » de mesures d’atténuation visant à contrer les effets de cette rareté dont l’impact sur le développement économique ne peut être que négatif dans la décennie à venir.

« On s’en va vers une situation extrêmement problématique », prévoit-il, en entrevue téléphonique, jeudi, en s’appuyant notamment sur les plus récentes données du recensement de Statistique Canada rendues publiques la veille. Au Québec, 20 % de la population est désormais âgée de 65 ans et plus.

Malgré l’évidence, les cris du cœur du milieu des affaires et le taux de chômage qui est au plus bas, il estime que le premier ministre François Legault s’entête à parler de création d’emplois. Jusqu’à tout récemment, « le gouvernement ne voyait pas ça comme quelque chose de préoccupant » la pénurie de main-d’œuvre, selon lui.

Il rappelle que de nos jours l’enjeu n’est plus de « créer des emplois », mais de trouver des gens pour les occuper.

D’abord en point de presse, jeudi matin, puis durant la période de questions à l’Assemblée nationale, le député de Robert-Baldwin a exhorté le gouvernement à mettre les bouchées doubles en matière de recrutement de main-d’œuvre, par tous les moyens possibles, pour éviter que la crise ne prenne des proportions hors de contrôle.

M. Leitão s’est montré très préoccupé pour la suite des choses, devant la pyramide des âges, qui fera en sorte qu’un nombre élevé de travailleurs québécois ayant entre 55 et 65 ans s’apprêtent à quitter le marché du travail.

Trop réduite, la cohorte des jeunes qui vont entrer sur le marché du travail ne pourra combler qu’une fraction des besoins à venir. Québec prévoit que d’ici 2030, il y aura jusqu’à 1,4 million de postes vacants à combler.

S’il reconnaît les efforts faits par le ministre du Travail, Jean Boulet, qui a annoncé divers programmes en ce domaine récemment, il juge qu’il faut « aller beaucoup plus loin que ça et beaucoup plus rapidement que ça ».

Selon lui, le gouvernement doit avoir trois priorités : les régions, les femmes et l’immigration.

L’économiste et ancien banquier est particulièrement inquiet pour les régions, qui risquent de se dévitaliser, faute de personnel pour faire croître leur économie locale. C’est le déclin de la population auquel seront confrontées plusieurs villes de taille moyenne, dont Trois-Rivières et Saguenay, selon lui.

Par sa politique bancale en matière de services de garde, le gouvernement se prive par ailleurs d’une main-d’œuvre féminine précieuse, selon lui. Il note que des milliers de femmes ne peuvent retourner sur le marché du travail, parce qu’elles ont un bébé à la maison et ne trouvent aucune place en garderie.

Québec doit tout mettre en œuvre pour créer rapidement le maximum de places en services de garde, dit-il. « On fait face à une urgence et dans l’urgence, il nous faut trouver des places rapidement », plaide le député, reprochant au gouvernement une « déconnexion » à ce sujet.

En matière d’immigration, il reproche au gouvernement de miser sur les travailleurs temporaires, au lieu d’inciter les nouveaux arrivants à s’installer pour de bon au Québec. « C’est un non-sens », selon celui qui veut voir le gouvernement miser « massivement » sur l’immigration permanente, tout en haussant les seuils d’immigration.

Comment pensez-vous qu’une personne qui arrive ici avec un permis de séjour de deux ans, comment elle va s’intégrer si elle sait en partant, que d’ici deux ans, elle devra quitter ? Donc, si on veut l’immigration et si on veut l’intégration, et on veut l’intégration, ce n’est pas avec de l’immigration temporaire qu’on va y arriver.

Le député libéral Carlos Leitão

Il faut aussi trouver la formule qui incitera les immigrants à s’installer davantage en régions, dit-il, un objectif largement partagé auquel tous les gouvernements se sont cassé les dents dans le passé.

Enfin, M. Leitão soutient que le gouvernement doit davantage miser sur les incitatifs fiscaux versés aux travailleurs expérimentés, pour les convaincre de retarder l’âge de la retraite. Il faut « plus d’audace, de vision », dit-il, sur le plan fiscal, pour obtenir de véritables résultats à ce chapitre.