Plusieurs pays ont décidé d’augmenter leurs dépenses militaires pour faire face au nouvel ordre mondial qui se dessine. Le Canada, qui s’inquiète de la frontière qu’il partage avec la Russie au nord, a commencé à le faire. L’armement est une chose, mais l’organisation et la préparation restent les éléments de base d’une stratégie de défense efficace.

Le meilleur exemple vient de la Finlande (encore). Ce petit pays de 5,5 millions d’habitants partage une frontière de 1340 km avec la Russie. Les deux voisins ont guerroyé maintes fois dans le passé. La dernière bataille a eu lieu au début de la Seconde Guerre mondiale, quand les Finlandais ont réussi à repousser l’envahisseur russe dans ce qu’on appelle la guerre d’Hiver, avec des soldats à ski.

Les Finlandais ont résisté, mais ils ont perdu un morceau de leur territoire et se sont juré que ça n’arriverait plus jamais.

Depuis, ils se préparent à toutes les éventualités. Ça peut être une invasion russe, mais aussi une pandémie, une catastrophe climatique, une panne du réseau électrique, une cyberattaque. Pas en s’armant jusqu’aux dents. Avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le pays consacrait 1,5 % de son PIB aux dépenses militaires, soit la même proportion que le Canada.

Mais depuis des décennies, la Finlande s’organise pour faire face au pire, rapportait récemment le Financial Times. Il y a toujours des réserves d’au moins six mois en carburants et en céréales. Les entreprises pharmaceutiques ont l’obligation d’avoir des stocks de tous les médicaments importés. Des refuges sont prévus et identifiés pour accueillir la population en cas de besoin. Les lois sont faites pour s’adapter à un état d’urgence.

Toute l’industrie du pays est sensibilisée aux risques lors de rencontres régulières où les chefs d’entreprise sont placés devant des situations théoriques et invités à proposer des solutions. Ces dirigeants d’entreprises de télécoms ou de l’énergie, qui sont parfois des concurrents, travaillent ensemble pour le bien commun. De toute façon, il serait impossible de faire des affaires en cas de catastrophe.

Lors de ces rencontres qui ont lieu plusieurs fois par année, on discute autant de perturbations mineures que d’évènements majeurs comme une guerre ou une pandémie comme celle qui vient de balayer le monde.

La Finlande peut aussi compter sur une armée bien entraînée et un contingent important de réservistes pour se défendre en cas d’invasion. Les militaires organisent régulièrement des simulations de crise avec des politiciens, des représentants religieux et des médias pour les informer, discuter des problèmes qui risquent de surgir et proposer une réaction.

Neutralité mise en doute

Officiellement neutre, la Finlande ne fait pas partie de l’OTAN et n’en ressentait pas non plus le besoin. Jusqu’à récemment. Depuis l’annexion de la Crimée par la Russie, en 2014, la volonté de grossir les rangs de l’alliance entre l’Amérique du Nord et l’Europe augmente et atteindrait même actuellement plus de 60 %, selon les sondages publiés récemment.

C’est que le voisin dérange de plus en plus. Le gouvernement finlandais a annoncé la semaine dernière sa décision d’augmenter de 70 % ses dépenses militaires au cours des quatre prochaines années et de les porter à 2 % de son PIB, ce qui est la norme pour les pays de l’OTAN.

En plus de la tension qui a monté d’un cran depuis l’invasion de l’Ukraine, une incertitude d’un autre genre grandit en Finlande. Le pays est un partenaire commercial important de la Russie, même si les échanges ont diminué depuis 2014 et l’annexion de la Crimée.

Avant l’invasion de l’Ukraine, plus de 5 % des exportations totales de la Finlande étaient destinées à la Russie et 10 % des importations finlandaises venaient de Russie.

La guerre et les sanctions économiques imposées à la Russie feront mal à la Finlande. La banque centrale de Finlande vient de revoir à la baisse ses prévisions de croissance économique pour tenir compte de l’impact de la guerre en Ukraine et des sanctions imposées à la Russie.

Preuve que les Finlandais n’aiment pas être pris au dépourvu, les autorités monétaires ont produit deux prévisions. Le premier scénario mise sur un impact limité de la guerre et de l’inflation sur l’économie et une croissance de 2 % en 2022. Le deuxième scénario prévoit une plus forte réduction des exportations et une augmentation durable des prix des matières premières et de l’énergie, ce qui réduirait la croissance de l’économie à 0,5 %.

La banque centrale prévoyait jusqu’à tout récemment une croissance de 2,6 % de l’économie cette année. La Finlande n’a pas été envahie, mais elle doit continuer de se défendre économiquement contre son voisin russe.

Cette relation tourmentée dure depuis des décennies. Malgré tout, année après année, la Finlande domine le classement des pays les plus heureux du monde.